7 juillet 2021
7 juillet 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Mode : 150 acteurs français appellent à plus de régulation

1083, Hopaal, Asphalte... Un collectif rassemblant plus de 150 marques et d'acteurs de la mode appelle à une plus grande régulation de cette industrie afin de limiter le réchauffement climatique. Premier objectif : modifier le calcul de l'éco-contribution.
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Crédit : Sarah Brown

À l’occasion du G7 de 2019, plus de 150 marques de mode s’étaient engagées à travers le 'Fashion Pact' à réduire leur impact environnemental. Un voeu pieux que certaines marques pourtant signataires semblent avoir du mal à concrétiser en actes. "Chez Zara, du groupe Inditex, la collection Join Life, unique collection responsable, représente seulement 14% de son offre. En bas du classement le japonais Uniqlo et l’espagnol Mango ne dépassent même pas les 2%" , d’après une étude Lectra/ Retviews de 2020 relayée par Novethic. Résultat, l’industrie de la mode contribue encore à 10% des émissions de carbone mondiale annuelle.

Un chiffre qui n’étonne pas Julia Faure, fondatrice de Loom, à l’origine d’un collectif de marques du prêt-à-porter et d’acteurs du secteur qui viennent de publier une tribune appelant à une plus grande régulation de leur secteur. On y retrouve 1083, Hopaal, Asphalte, YCCA -déjà très engagées sur leur impact- et plusieurs dizaines d'acteurs de la filière textile. "Certaines marques ne mettent pas les moyens nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les mesures qu’elles prennent n’ont aucun sens et ne prennent pas la mesure de l'ampleur du problème , constate t-elle. Pourtant, cette conduite nous mène dans le mur. On voit ce qui se passe au Canada." Pour les signataires, il est temps que cela change.

Diviser par trois la production 

L’ensemble de l’industrie de la mode doit prendre ses responsabilités pour réduire son poids environnemental et social sur la planète. Le crédo du collectif se résume ainsi : "il faut diviser la production de vêtement par trois et produire le reste bien" , assène Julia Faure. Ce Made in France n’a rien de chauvin. "Quand on parle de produire en France, c’est aussi en raison des lois environnementales. La France est très stricte sur ces sujets, ce qui n’est pas le cas en Asie où les usines rejettent des déchets dans les eaux. Sans parler de l’électricité utilisée qui provient de centrale à charbon. Au Portugal, qui est un berceau du textile, 80% de l’électricité est décarbonée" , renchérit Julia Faure.

Or, ces points sont essentiels car contrairement aux idées reçues, une étude de McKinsey prouve que "la majorité des gaz à effet de serre ne proviennent pas des matières premières mais à 70% de la phase industrielle qui comprend la transformation de la matière première en vêtement, c’est-à)dire, la filature, la teinture, la fabrication, le transport, etc."  Proposer un tissu labellisé Oeko Tex -qui assure que le produit fini ne comporte pas de résidus chimiques dangereux pour la santé - est un début mais clairement pas une fin en soi. 

Les autres enjeux sont la quantité de vêtements produite et la multiplication des collections dont les seules ambitions sont de pousser le consommateur à multiplier les achats. Justement, celui-ci n’est-il pas responsable aussi de cette situation? "Comment résister à un tee-shirt ou un sac à dos à 3 euros? Ce n’est pas aux consommateurs de porter cette responsabilité mais bien aux marques et aux entreprises" , tranche Julia Faure.

Pour inciter les acteurs les plus frileux à prendre leur responsabilité, le collectif propose une modification du calcul de l'éco-contribution qui devrait refléter plus précisément l’impact de chaque marque et frapper les mauvais élèves au portefeuille.

Réviser les critères de la taxe d’éco-conception

D’ici quelques mois, vont être revus les critères de calcul et d’attribution de l’éco-contribution des vêtements. Actuellement, cette taxe — jusqu'à 6 centimes maximum et par vêtement — "tient compte de l’incorporation de matières recyclées dans le produit et, dans une certaine mesure de sa durabilité mais aucunement des pratiques commerciales de l’entreprise" , regrette l'entrepreneuse. Une méthode de calcul qui dévalorise les petites entreprises. "Si vous demandez à chaque entreprise de faire trois fois le test de durabilité sur chaque produit, la note peut rapidement montée à 500 000 euros par an, ce qui n’est pas soutenable pour une petite entreprise. Ces dernières se retrouvent à payer une grosse taxe ou à avoir une mauvaise note" , uniquement par manque de moyens.

A contrario, des marques comme Zara ou Uniqlo peuvent obtenir un bon score alors qu’elles sont aujourd’hui la cible d’une enquête pour avoir soutenu le travail forcé des Ouïghours. Bons et mauvais élèves ne risquent pas grand chose avec l’éco-contribution : "Au maximum, la taxe est de 6 centimes sur chaque produit, ce qui n’incite pas du tout à améliorer sa production"  , se désole la fondatrice de Loom.

Le collectif demande la mise en place d’une nouvelle méthode de calcul basée sur trois principes :

  • Augmenter l’éco-contribution afin qu’elle soit vraiment incitative. Elle s’élève aujourd’hui à 0,06 euros par vêtement). En 2025, il faut qu’elle atteigne 5 euros pour les marques ayant les plus mauvaises pratiques.
  • L’indexer prioritairement sur les émissions de gaz à effet de serre, dont 70% proviennent de la phase industrielle. Cela favoriserait par la même occasion la relocalisation de l’industrie en France où l’énergie est moins carbonée.
  • Pénaliser les stratégies de forte incitation à la consommation. L’éco-contribution doit  prendre en compte le renouvellement rapide des collections, les promotions systématiques ou le greenwashing avéré.

À l’instar des produits électroménagers qui devront bientôt tous arborés un indice de réparabilité, peut-être que demain, les marques pourraient aussi avoir un indice de responsabilité. "Il faudrait surtout que ce soit un incident de traçabilité pour permettre aux consommateurs de savoir exactement par où est passé le produit avant qu’il arrive jusqu’à lui" . Et d'autres solutions peuvent être développées en parallèle pour réduire l’incidence de la mode sur la planète. "Nous nous attaquons à ce premier point car l'indice d’éco-contribution va être révisé prochainement et pour 5 ans mais nous avons pour ambition de faire un lobbying intense pour faire changer les choses" , dévoile Julia FaurePléthore de startups sont déjà engagées dans cette voie du responsable, prouvant qu'elle n'est pas sans issue, même si les difficultés pour y arriver sont parfois nombreuses.