C'est officiel : le 11 mai, ce n'est pas la grosse fête (quoique) mais surtout la fin du confinement annoncée par le gouvernement. Malgré le spectre d'une reprise très progressive, des millions de salariés vont être amenés à reprendre du service après avoir été placés en activité partielle. Contrairement à l'annonce du confinement qui a pris plus d'une société de court, cette reprise peut et doit être anticipée.

Les dirigeants doivent d'abord se poser la question de la pertinence de la reprise. "Il reste des incertitudes au niveau des consommateurs, souligne Jean-Marc Morel, associé au sein du réseau d’audit et conseil RSM. La clientèle sera-t-elle au rendez-vous ?" Pour les commerçants mais aussi les sociétés d'événementiel, par exemple, la fin du confinement ne sonnera sûrement pas une reprise immédiate de l'activité et il faut donc anticiper cela afin de ne pas présumer de revenus trop ambitieux par rapport aux charges qu'impliquera la relance de la machine.

S'enquérir des contraintes des salariés

S'il est effectivement pertinent de reprendre du service, reste ensuite à préparer le retour des salariés concernés, pour la plupart avant la fin de la période de trois mois pour laquelle l'administration conseillait aux entreprises de déposer une demande d'activité partielle. "L'activité partielle est un droit accordé aux entreprises qu'elles peuvent interrompre sans délai, rappelle Philippe Rozec, avocat en droit social, associé du cabinet De Pardieu Brocas Maffei. S'il y a une obligation légale d'information individuelle des salariés lors de la mise en place de l'activité partielle, les textes ne le prévoient pas pour son interruption."

Pour autant, "les entreprises vont le faire par souci d'organisation". Il va en effet falloir compter ses troupes : entre les salariés malades et ceux qui vont être bloqués par la garde de leurs enfants si les écoles ne rouvrent pas immédiatement, tous ne seront pas disponibles dès la reprise de l'activité. "Le maintien du lien social entre l'entreprise et ses salariés est donc primordial, martèle Jean-Marc Morel. Il faut que les managers les consulte pour avoir connaissance des problèmes que peuvent poser la garde des enfants ou les contraintes des conjoint·e·s. Si plusieurs salariés ne peuvent pas reprendre le travail, il faudra s'organiser en fonction de cela."

En filigrane, c'est la relation entre direction et salariés qui va dessiner le rythme de la reprise. "Les entreprises ne réussiront que si elles parviennent à trouver un consensus avec les syndicats dans l'industrie ou les salariés dans les startups. L'adhésion du corps social est essentielle pour pouvoir reprendre l'activité" , atteste Philippe Rozec, qui anticipe "une hausse des conflits liés au déconfinement" . "Le stress est important, la fatigue également, alors même que la reprise va impliquer des cadences élevées pour rattraper les semaines creuses."

Le rôle central du CSE

Et si aucun texte sur l'activité partielle n'impose aux entreprises d'aviser leurs salariés de la fin du dispositif, "la mécanique de reprise va les y obliger" , pressent Philippe Rozec. "Cela reste une obligation au titre des textes sur la prévention des risques professionnels. Le déconfinement touche à la marche générale de l'entreprise, qui relève du comité social et économique (CSE) de chaque entreprise. Il me paraît donc évident qu'il doive être consulté avant que la reprise ne soit décidée." Obligatoire dans les entreprises à partir de 11 salariés, le CSE va être pleinement mobilisé lors de la reprise.

Afin d'éviter le précédent Amazon, rappelé à l'ordre par le tribunal de Nanterre qui avait estimé que l'entreprise avait " de façon évidente méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés " , son CSE se prononçant dans la foulée pour la fermeture de tous les sites pendant cinq jours, les entreprises préféreront probablement anticiper que se précipiter. "Il y aura de facto un délai de prévenance puisque la convocation du CSE nécessite un délai de trois jours et il faut ensuite recueillir son avis" , explique l'avocat. Difficile donc d'envisager une reprise du travail du jour au lendemain.

Anticiper le respect des gestes barrières

D'autant que certains documents essentiels devront eux aussi être mis à jour, à l'instar du document unique d'évaluation des risques professionnels. "Aucun ne mentionnait auparavant les risques liés à l'épidémie de coronavirus, évoque Philippe Rozec. Il va falloir désormais énumérer les mesures de prévention, expliquer si le port du masque est obligatoire ou non, quelle est la politique de l'entreprise vis-à-vis des transports en commun, etc."

Ensuite, charge à l'employeur de garantir le respect des gestes barrières. "Il faut penser les process dans leur globalité, à la fois pour les outils de travail mais aussi dans les lieux de vie de l'entreprise, comme la machine à café, par exemple" , alerte Jean-Marc Morel. Et cela se prépare là aussi en amont : les règles doivent être clairement édictées et communiquées aux salariés, si l'entreprise doit commander du matériel (gel hydroalcoolique, masques, produits d'entretien...), il faut tenir compte des délais de livraison. C'est donc dès maintenant que les entreprises doivent s'y atteler !