6 janvier 2022
6 janvier 2022
Temps de lecture : 6 minutes
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Charles Beigbeder investit dans le NewSpace européen avec Geodesic

Après la DeepTech, l’entrepreneur et investisseur Charles Beigbeder, à la tête d’Audacia, a décidé de s’attaquer à un nouveau secteur, le NewSpace, avec son fonds Geodesic. En cours de création, la FCPI vise un closing final de plusieurs centaines de millions d’euros.
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Crédit : Zephalto

Entre les vols touristiques de SpaceX, de BlueOrigin, la mission de Thomas Pesquet dans l’espace et le lancement du télescope James Webb, 2021 a été une année intense pour la SpaceTech. Si l’écosystème n’est pas nouveau, le paysage se transforme rapidement. Aujourd'hui, les facteurs semblent converger pour pousser les investisseurs à s’y intéresser comme Charles Beigbeder, à la tête d'Audacia, qui lance Geodesic, un fonds qui devrait investir dans une quinzaine de startups européennes du NewSpace en 3 ans.

Le fonds en lui-même 

Avec Geodesic, l'investisseur reste sur la même ligne directrice qu'avec son fonds DeepTech - Quantonation - à savoir financer des innovations européennes de rupture, dès l’amorçage et jusqu’à la série B, avec des tickets compris entre une centaine de milliers et quelques millions d’euros. À ce stade, les startups font face à un désert de la mort, un déficit d’offres, observe-t-il. C’est aussi une manière de commencer à investir de petits tickets, ce qui crédibilise notre démarche vis-à-vis des investisseurs. Lorsque nous arriverons au closing final, nous pourrons investir des tickets plus importants, jusqu’à la série B.” Sans compter que peu de fonds sont déjà positionnés sur ce segment particulier.

Charles Beigbeder ne veut pas attendre le closing final et risquer de passer à côté de certaines belles entreprises. Avec sa SAS qui deviendra par la suite une FCPI, l’entrepreneur investisseur est déjà entré au capital de trois sociétés : Share my space et sa solution de détection en temps réel des objets et des débris spatiaux, Hybrid Propulsion et sa méthode de propulsion facilitant l’accès à l’espace et Zephalto et son ballon stratosphérique dédié au tourisme spatial. Des choix qui reflètent la volonté d’investir dans de multiples segments, sans se concentrer sur un prisme particulier. “C’est pas mal d’avoir une certaine souplesse. Dans le fonds quantique, on a trois familles d’investissements. Il ne faut pas s’imposer des règles trop contraignantes” , souligne t-il. D’autant plus que tous ces segments ne se développeront pas à la même vitesse.

Geodesic a pour ambition d’entrer au board de ces jeunes pousses pour les aider à se structurer et se développer en Europe mais pourquoi pas aussi en Asie. “Nous avons déjà des connexions à Londres, à Stockholm et nous échangeons avec Singapour même si nous sommes moins avancés avec cette dernière, mais les synergies pourraient être intéressantes” , admet t-il. Le marché américain est évidemment le premier que Charles Beigbeder garde en tête mais il faut avancer pas à pas. Pour le moment, Geodesic doit se structurer. Pierre-François Vilgrain, qui a travaillé pendant 6 ans chez ArianeGroup et 4 ans chez Airbus Defence and Space, a déjà rejoint l'aventure et devrait bientôt être assisté de Quentin Robert, qui a travaillé dans le conseil sur ces sujets. D'autres nouvelles têtes viendront compléter cette équipe.

Profiter d’un environnement favorable 

Si l’Europe possède des pépites, des accélérateurs et de grands centres de recherche, elle est encore loin de rivaliser avec les Américains qui “ont une dizaine d’années d’avance” sur elle. Mais pour le fondateur de la société de gestion financière Audacia, les grands changements opérés au cours des dernières années convergent vers un véritable time to market pour les startups. 

Au niveau technologique, de nombreuses avancées ont eu lieu. “On observe une baisse du coût des technologies, la réutilisation du matériel, la miniaturisation avec la création de nano satellites et des micro-lanceurs qui facilitent l’accès à l’espace et sont un moteur de création d’entreprise” , analyse Charles Beigbeder. Pendant longtemps, l’aérospatial est resté l’apanage des grands groupes et des agences spatiales mais la donne est en train de changer. “Ne soyons pas faussement modeste, l’Europe dispose de leaders mondiaux concernant les satellites comme Thales, on a également un excellent lanceur avec ArianeGroup. Jusqu’ici, ces technologies étaient le fruit des grands groupes qui devaient arbitrer les projets en fonction de leur budget” et ne pouvaient donc courir tous les lièvres à la fois. “Autrefois, on en prenait son parti mais les ingénieurs qui travaillent dans ces structures n’hésitent plus à quitter leur emploi pour monter leur entreprise” et la développer grâce au grand vivier de talents dont dispose l'Europe.

 “Côté financement, la nouvelle mandature européenne a voté des crédits, a pris en compte cette nouvelle donne stratégique et s’est mobilisée pour l’accompagner au niveau européen de la SpaceTech. La banque européenne d'investissement (BEI) et le fonds européen d'investissement (FEI) ont également débloqué des enveloppes pour financer ce secteur” . La France n’est pas en reste et a également fait entrer la SpaceTech dans son plan de relance. Le CNES, avec qui Geodesic est en contact, s’est également montré “très enthousiaste à l'idée de la création du fonds et prêt à participer à son développement” . Charles Beigbeder dit aussi avoir noué des contacts avec un accélérateur français pour, peut-être, créer un projet plus grand.

L’espace, laboratoire et usine du futur 

L’espace fait rêver les terriens, curieux de découvrir ce qui se cache dans les étoiles, depuis longtemps. Si cette exploration reste aux mains des astronautes, elle pourrait évoluer et même s’automatiser de plus en plus. “On observera une multiplication des stations spatiales privées afin d’y faire des expériences scientifiques et d’y développer l’industrie zéro G. On peut même imaginer des laboratoires automatisés, non habités, servant à fabriquer des matériaux et des cristaux en zéro G. Une fois qu’ils seront développés, on les renverra sur Terre en capsule” , détaille Charles Beigbeder. “L’espace est un nouveau laboratoire, une nouvelle usine pour construire des matériaux impossibles à développer sur Terre.” Geodesic lorgne d'ailleurs déjà sur certaines pépites du secteur.

Ce foisonnement de startups dans le NewSpace ne risque-t-il pas de donner lieu à des rachats par de grands acteurs étrangers ? “Certaines vont faire les frais de la consolidation du secteur mais certaines iront tellement vite qu’elles pourraient, à leur tour, devenir des prédateurs d’autres startups ou d’un grand groupe” , estime t-il. Sans oublier des exits possibles via des SPAC, beaucoup plus populaires aux États-Unis qu’en France. Mais l'investisseur croit au potentiel européen du secteur et compte bien convaincre d'autres investisseurs de le suivre dans cette aventure.