Tribunes par Franz Maufay
4 mars 2020
4 mars 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Nouveaux enjeux de la mobilité : se transformer ou mourir

Les enjeux de la mobilité sont multiples et le défi est majeur, en particulier dans l’automobile. Comment les marques peuvent-elles se réinventer ?
Temps de lecture : 6 minutes
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Nouveaux entrants, nouvelles technologies, nouveaux usages, nouvelle réglementation : les enjeux de la mobilité sont multiples et le défi est majeur, en particulier dans l’automobile. Certains acteurs en font déjà les frais et l’actualité est là pour en témoigner. Le Consumer Electronics Show de Las Vegas, par exemple, en mettant à l’honneur l’électrification, la voiture autonome et les services connectés, illustrait l’évolution du secteur.

L’électrique : la ruée vers l’or ?

2020 s’annonce pour les analystes du secteur comme l’année " révélation "  de l’électrique aux yeux des consommateurs. Toutes les marques ont au moins un véhicule électrifié hybride ou pur électrique prévu dans leur gamme 2020. Si la part de marché pour le véhicule électrique (VE) est encore très faible (2% en France), tous les efforts de R&D et de marketing vont dans cette direction. Les véhicules atteignent désormais 400 km d’autonomie sur autoroute, sous réserve de respecter la vitesse de 110-120km/heure. Cette plage d’autonomie maximale convient à la grande majorité des usages. Et grâce à une technologie de batterie en nette amélioration, le lithium-ion a encore de beaux jours devant lui.

Les grandes marques promettent les premières livraisons de modèles enfin développés sur des plateformes dédiées (VW ID.3, Porsche Taycan, citadines de PSA Group, Honda E, Byton M-Bite…). Les précurseurs prévoient de nouvelles versions ou de nouveaux modèles (Tesla Model Y, Renault Zoé, …). Deux inconvénients majeurs pour l’usager subsistent toujours cependant en 2020 : le prix à l’achat et le réseau de charge rapide. Du côté technologique, l’électrification présente deux inconvénients : la densité énergétique encore assez faible et l’approvisionnement/recyclage des matières premières encore problématique.

Une transition vers la voiture autonome

Tous ceux qui s’engageaient, ces 10 dernières années, à proposer des véhicules complètement autonomes avant 2020 ont échoué. L’objectif était en effet techniquement complexe et impliquait de grands changements sociétaux, avec notamment l’évolution du cadre juridique. La mission reste aujourd’hui toujours aussi difficile et plusieurs entreprises ont renoncé à leurs projets. Les acteurs du véhicule autonome s’opposent sur le niveau d’équipement nécessaire à la complète autonomie mais aussi sur la manière avec laquelle la technologie peut se développer, qu’il s’agisse de proposer des véhicules complètement autonomes dans quelques quartiers ou sur certains types de routes, ou de véhicules partiellement autonomes sans limite géographique d’utilisation.

Des rachats d’entreprises du secteur ont lieu toutes les semaines. Les grandes entreprises de la Tech, dont les GAFAM, profitent de leur réserve de cash quasi-illimitée. De plus en plus d’acteurs, qui maîtrisent l'une des briques technologiques de la mobilité, entrent également dans la course. Sony présentait ainsi au CES un concept-car illustrant son savoir-faire dans les technologies de la vision et de la fusion de données, alors que le parterre des participants s’attendait plutôt à des annonces sur la PS5.

2020 devrait permettre de voir de plus en plus de cas concrets pour le grand public. Cependant la législation semble en retard sur la compréhension des enjeux. Elle doit définir le cadre légal et doit être capable de certifier au plus juste les innovations technologiques.

Les services comme relais de croissance

La valeur du logiciel explose et le changement est majeur. Les moyens de mobilité ne sont plus des " objets mécaniques "  dont la plus grande partie des revenus se fait à la vente mais sont bien devenus des " logiciels sur roue "  dont les revenus sont espérés pendant toute la durée de vie du produit. Le changement technologique est progressif mais le changement de mentalité est radical. Or, les acteurs du secteur ne sont pas configurés pour ; leurs équipes ne sont pas formées ; leurs chaînes de production et leurs infrastructures informatiques ne sont pas adaptées. Tout cela se ressent sur le produit final. Quel automobiliste n’est pas resté perplexe devant le manque d’ergonomie des systèmes d’infotainment (multimédia embarqué) ? Le client qui utilise en effet son smartphone tous les jours, avec ses mises à jour et un catalogue d’applications complet, s’attend à retrouver la même qualité de service dans sa voiture et est souvent déçu par le niveau de prestation existant.

Une orientation forte vers le software voulue par le client

La forte croissance des services dans la mobilité est l’application la plus visible de la transformation de l’industrie automobile vers le logiciel. Les voitures sont maintenant connectées, au moins dans les situations d’urgence avec l’e-call en Europe. Ce changement ouvre la porte à un tout nouveau marché. La voiture va " se smartphoniser "  et les usages vont évoluer avec la montée en autonomie des véhicules. À terme, le conducteur n’ayant plus rien à faire se verra proposer de nouveaux services, pour occuper son " temps de cerveau disponible " .

La continuité numérique doit être assurée entre la maison, le smartphone et la voiture et cela doit se faire si possible en mêlant confort et fonctionnalités. La plateformisation des services est l'une des solutions à ce besoin. Pour les GAFAM, véritables plateformes économiques et sociales, ces services sont aussi une porte d’entrée dans l’univers de la mobilité : Android Auto pour Google, CarPlay pour Apple. Paradoxalement, le client laisse libre encore un peu plus ses données personnelles pour retrouver dans sa voiture, les applications What’s app ou Waze.

La micro-mobilité est aussi sur toutes les lèvres quand il s’agit de résoudre les problèmes de déplacements en ville, du moins en Europe. Certains grands acteurs n’hésitent plus et s’ouvrent à ces nouveaux marchés, à l’image de Valeo qui annonçait au CES vouloir collaborer avec des startups de la micro-mobilité pour certains de ses produits.

Ainsi, la route reste longue et sinueuse pour la transformation du secteur de la mobilité. Tous ceux qui ne s’engagent pas pleinement dans la transformation risquent à terme une réduction de leurs ventes voire une disparition. De quoi laisser la place à de nouveaux acteurs, toujours plus nombreux ! Le secteur est complexe et régulé : sa proximité avec un environnement plus institutionnel, voire étatique, nécessite des solutions flexibles qui savent s’adapter au contexte. C’est toujours finalement le consommateur, à qui on promet une meilleure " expérience client " , qui choisit l’orientation du marché et qui valide les innovations, dans la durée, par l’achat et l’usage.

Franz Maufay, Consultant Senior Mews Partners