30 août 2021
30 août 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Santé mentale : salariés et dirigeants se renvoient la balle

Peu d'entreprises ont mis en place des solutions dédiées à la santé mentale de leurs salariés. Ces derniers pointent du doigt le manque de volonté des dirigeants alors que ceux-ci imputent la faute au manque d'ouverture d'esprit des salariés.
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55% des salariés et dirigeants français disent se sentir plutôt bien à l'approche de la rentrée (Crédit : Tim Hüfner via Unsplash)

Peu d'entreprises ont pris à bras le corps la question de la santé mentale des employé·e·s. Selon une étude réalisée par la startup Moka.care auprès de plus de 4000 répondant·e·s en ligne, tous secteurs confondus, moins de deux entreprises sur dix ont déjà mis en place une solution de santé mentale destinée aux salarié·e·s. La faute à qui ? Salarié·e·s et dirigeant·e·s s'accordent à rejeter majoritairement la faute sur le manque d'ouverture d'esprit des salariés (56%). Et ce, alors même que près des deux tiers d'entre eux se disent favorable à la mise en place de solutions d'accompagnement psychologique confidentiel par leur employeur à la rentrée.

" C'est lié au fait qu’il y a longtemps eu une stigmatisation autour de la santé mentale. Les gens sont mal à l’aise lorsque le sujet est abordé ", note Guillaume d'Ayguesvives, co-CEO de Moka.care. Si le besoin est clairement identifié et affiché, notamment en cette rentrée post-confinements, les salarié·e·s se sentiraient-ils prêt·e·s à utiliser ouvertement une solution dédiée à leur santé mentale ? " Une évolution des mentalités s’est amorcée il y a longtemps déjà mais de manière très graduelle, observe l'entrepreneur. Les salariés sont prêts à faire un travail sur eux, les clichés sur le fait de se faire suivre par un psychologue se sont estompés. D'autant qu'il y a eu un effet d’accélération avec les confinements successifs. C'est l'aspect positif de la crise : on a assisté à la dé-stigmatisation des problématiques liées à la santé mentale. "

Ce prétendu manque d'ouverture d'esprit traduit aussi - et surtout ? - un manque de confiance des salarié·e·s dans l'efficacité de la réponse que les dirigeant·e·s pourraient mettre en place. " C'est une question d'approche, confirme Guillaume d'Ayguesvives. Si la solution est mise en place pour intimer aux salariés de se sentir bien et d'arrêter de se plaindre, cela n'a rien d'une démarche authentique qui serait, elle, plébiscitée. "

S'y intéresser ou non, telle est la question

Outre la responsabilité des salarié·e·s, les dirigeant·e·s pointent également du doigt la méconnaissance des solutions disponibles (32% de leurs réponses). " Certaines solutions existent depuis longtemps mais sont peu utilisées et les nouveaux acteurs sur ce segment, dont fait partie Moka.care, restent méconnus parce que beaucoup plus récents ", atteste Guillaume d'Ayguesvives.

Les salarié·e·s présentent une vision un peu différente. Près de quatre sur dix expliquent le manque d'implication de leur entreprise sur la question par le manque de volonté du ou de la dirigeant·e - contre seulement 11% des dirigeant·e·s.

Alors les premiers projettent-ils injustement sur leurs dirigeants et dirigeantes une certaine fermeture d'esprit ou les seconds se croient-ils plus ouverts qu'ils ne le sont réellement ? Pour le CEO de Moka, c'est une " question philosophique " qui sous-tend cet écart de perception : " beaucoup s'interrogent sur le fait que ce soit ou non à l'entreprise de s'intéresser à la santé mentale de ses employés ". Consciemment ou non, les salarié·e·s répondent donc par la négative à cette question et font incarner cette vision par leur dirigeant·e.

" Salarié comme dirigeant projette sur l'autre un certain manque de confiance, le fait de ne pas croire que la santé mentale puisse avoir sa place en entreprise et que des solutions puissent être mises en place "

Guillaume d'Ayguesvives

En écho à ce décalage, un tiers des salarié·e·s pointent du doigt le coût financier comme un frein - contre seulement 12% des dirigeant·e·s. " Les salariés surestiment le coût ; sans avoir d'idée précise sur la question, ils partent de l'hypothèse que l'entreprise n'aura pas le budget, précise l'entrepreneur. C'est parce qu'ils ne conçoivent pas que l'entreprise pourrait financer un dispositif de manière désintéressée. "

Être plus efficace

Rares sont les entreprises à se pencher sur la question de façon totalement désintéressée. " Certains dirigeants se lancent parce qu'ils estiment important de prendre soin de la santé mentale de leurs équipes ; d'autres veulent aider leur entreprise à grandir sainement. " Car les sociétés ont pris conscience que c'est dans leur intérêt. 73% des répondant·e·s pensent ainsi que la santé mentale des collaborateurs et collaboratrices a un impact sur leur travail. " Un employé qui se sent bien est plus efficace au travail ", appuie le CEO de Moka.care.

Peu importe finalement le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. Et si salariés et dirigeants divergent sur les raisons qui freinent la mise en place de solutions, tous s'accordent sur la nécessité à les mettre en place. " Il y a beaucoup de travail à faire pour que tous prennent conscience que leurs intérêts sont alignés ", résume Guillaume d'Aygesvives.

Cet article fait partie d’un dossier consacré à la santé mentale. Détresse psychologique, chief happiness officer et solutions innovantes : Maddyness dresse l’état des lieux d’un sujet qui a longtemps été tabou au sein des entreprises, mais qui a resurgi avec la pandémie, les confinements et le télétravail obligatoire.

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