Pour décrypter l’influence des circonstances macroéconomiques sur les modifications des usages et des enjeux du commerce, Maddyness a souhaité donner la parole à Bastien Borget, Responsable E-commerce d’Eden Park, Judicaël Baudot, Chief Digital Officer d’ElevenParis et Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe pour Shopify.

Adopter l’adaptation comme mode de vie en temps de crises, une réalité des entreprises 

Les événements macroéconomiques, lorsqu’ils génèrent des conséquences considérées comme négatives, peuvent être classés en deux catégories : les événements qui engendrent un arrêt total ou partiel de l’activité, et ceux qui en augmentent le coût ou la difficulté. Dans tous les cas, l’adaptation de l’entreprise, au sens darwinien du terme, est nécessaire pour l’entrepreneur.

Le covid, en ce sens, est un exemple parfait de circonstances macroéconomiques provoquant un arrêt brutal des activités. L’impossibilité de se rendre en magasin signifiait l’impossibilité pour les entreprises de vendre leurs biens et services. Il était donc nécessaire de modifier son activité pour les professionnels touchés.

Les problématiques macroéconomiques actuelles, quant à elles, telles que la guerre en Ukraine, l’inflation et l’augmentation des frais de livraison à l’international, perturbent les activités sans mettre à l’arrêt les entreprises. La hausse de ces frais est une question sérieuse à étudier : faut-il répercuter la hausse des prix au client ? Faut-il prendre sur soi et diminuer sa marge ?

S’intéresser à la différence entre le chiffre d’affaires et le bénéfice réel de l’entreprise prend alors toute son importance, et nécessite une analyse fine de la santé économique de l’entreprise. " C’est une réalité : le coût des transports a explosé. Cela provoque l’opportunité de réfléchir au rapprochement des outils de production et des services de livraisons. Les habitudes des consommateurs, qui veulent désormais une livraison express gratuite, entre aussi en opposition avec la volonté de ne pas trop augmenter les prix. Cependant, le surcoût est fort, et nécessite pour nous de réajuster notre pricing, même si nous avions supporté ce surcoût depuis le début de la pandémie " précise Bastien Borget, Responsable E-commerce d’Eden Park.

Cette problématique invite les entrepreneurs à réaliser un diagnostic de la situation économique de l’entreprise. Il s’agit de la première étape visant à rationaliser les coûts, et réaliser des arbitrages pour orienter les liquidités disponibles vers l’essentiel. " Avec ces crises, nous avons pu reprendre et analyser tous nos investissements. Aujourd’hui, il faut être précis dans la lecture financière, et ainsi savoir d’un point de vue budgétaire, où couper les dépenses et où les renforcer. La rentabilité immédiate devient importante. A ce titre, l’outil Shopify nous a permis de nous concentrer uniquement sur nos problématiques clients, sans perdre de temps sur des problématiques technologiques " affirme Judicaël Baudot, Chief Digital Officer d’ElevenParis.

Il est vrai que les financements externes sont devenus plus rares, ou plus onéreux, du fait de ces circonstances macroéconomiques : Il convient alors de faire mieux avec moins d’argent, de rendre les liquidités efficientes. Les habitudes de travail, les investissements envisagés et les dépenses quotidiennes de l’entreprise doivent être étudiées, afin de réaliser des arbitrages cohérents.

Ces réflexions, nécessaires par temps de crise, peuvent mener à un repositionnement de la marque, comme ce fut le cas pour ElevenParis. " Avant, notre audience cible était celle des 18-35 ans " se remémore Judicaël Baudot, Chief Digital Officer d’ElevenParis. " Nous sommes aujourd’hui sur une audience âgée de 13 à 18 ans, essentiellement féminine. C’est le Covid, et une prise de conscience de la puissance digitale de notre marque qui nous a permis ce revirement. […] Notre audience est jeune, et a une façon de dépenser son argent différente, contrairement à leurs parents. Cela explique peut-être que nous ne sommes pas impactés à proprement parler, pour l’instant, par l’inflation ".  

Les crises, une opportunité pour se réinventer et créer de nouvelles opportunités

Suite au covid, la transition numérique à marche forcée a obligé les entreprises à s’adapter. Pour Bastien Borget, Responsable E-commerce d’Eden Park, cette période a accéléré l’engagement de la marque vers l’e-commerce : " On a observé en 15 mois, un bond en avant de plusieurs années dans la digitalisation des ventes et l’augmentation du chiffre d’affaires du secteur. C’était un vrai changement de paradigme. Notre brique e-commerce Shopify nous a permis d’absorber facilement ces nouveaux flux ".

Pour autant, le développement du e-commerce n’a pas remplacé la vente physique. Le commerce en ligne est devenu un moyen supplémentaire de capter des clients, en complément de la boutique physique des marques. " En 2021, les commerçants de proximité ont souhaité garder les deux canaux, et ont pu avec le temps démystifier la difficulté de lancer un commerce en ligne ", affirme Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe chez Shopify.

Une logique multimodale s’est ainsi développée plus rapidement grâce à ces circonstances macro-économiques : capter l’attention des clients sur un canal (site internet, réseaux sociaux, magasins physiques, …) et pouvoir répondre à leurs attentes grâce à un autre canal est devenu un enjeu important de la relation client. Ainsi, si un bien n’est pas disponible dans le stock de la boutique, la possibilité d’y accéder en ligne depuis cette même boutique est une véritable force. 

L’entreprise réinventée et racontée

Cette ré-invention de l’entreprise suppose donc une réflexion tant sur le rapport au client, que dans la relation avec les collaborateurs de l’entreprise. " De plus en plus de personnes veulent être entrepreneur, ou indépendant. Aujourd’hui, il faut être une entreprise cool pour réussir à recruter : proposer du télétravail, travailler sur le sport et bien-être au travail, … ", précise Bastien Borget. Les prises de consciences individuelles qui ont émergé ces derniers mois influencent l’entreprise, qui doit s’adapter au regard des nouvelles générations de travailleurs.

En ce qui concerne les clients, ces derniers ont désormais accès à plus d’informations, permettant plus de discernement sur leur consommation. Les entrepreneurs ont dû s’adapter à cette transparence. La crise a révélé le besoin de proximité entre le client et sa marque, et l’envie d’authenticité des produits. 

Cette proximité est à mettre en lien avec le coût d’acquisition client : ce dernier est devenu de plus en plus élevé et nécessite de passer d’une logique de commerce transactionnel à une logique de commerce relationnel. Le client n’achète plus un produit, il achète une histoire, une expérience. La communication doit donc s’adapter d’autant plus en période de baisse du pouvoir d’achat, où le consommateur va soigneusement sélectionner ce qu’il achète.  

" On abandonne le commerce transactionnel pour le commerce relationnel, et cela passe par  une meilleure connexion aux consommateurs " affirme Bastien Borget. " Il faut des accès simples, pouvoir échanger rapidement avec eux, et disposer d’un super CRM pour lui donner une information pertinente selon ce qu’il a envie. Les nouveaux réseaux, comme Tiktok explosent. C’est un axe pour aller leur parler, de façon différente. Il faut être attentif à ne pas mentir sur qui on est, sur notre entreprise. Il faut que l’ADN de la boîte soit visible sur les différents canaux de communication ".