Actus par Maddyness, avec Paris&Co
3 novembre 2021
3 novembre 2021
Temps de lecture : 6 minutes
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Comment concilier compétitivité économique et impact ?

Paris&Co et la Ville de Paris ont donné rendez-vous avec l’innovation lors de la septième édition du Hacking de l’Hôtel de Ville, jeudi 28 octobre. Au programme de cette journée de rencontres dédiée à l’innovation utile et responsable : un DemoSpace pour découvrir le photomaton 3.0 Enter ou le réseau social éthique Gaming Squad, 4000 rendez-vous d’affaires dans le plus grand speed-meeting national mais aussi des tables-rondes. L’une d’elles était baptisée « Compétitivité économique et utilité sociale : des modèles (ré)conciliables ».
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© Paris&Co

En 2021, intégrer une dimension sociale et écologique est devenu un prérequis urgent pour nombre d’acteurs économiques. Et quand, à cette démarche, s’ajoutent des impératifs de rentabilité et de compétitivité économique, cela vire parfois au casse-tête. Comment rendre les modèles plus vertueux et durables tout en optimisant l’attractivité économique ? C’est à cette question qu’ont répondu quatre acteurs et actrices de l’économie sociale et solidaire, jeudi 28 octobre, lors du Hacking de l’Hôtel de Ville, organisé par Paris&Co et la Ville de Paris. 

" On dénombre quatre piliers pour appartenir à l’économie sociale et solidaire : mettre l’utilité sociale au cœur de son projet d’entreprise, avoir un modèle économique, partager la richesse ainsi que le pouvoir ", a éclairci d’entrée Cécile Leclair, directrice de l’Avise, une agence collective d’ingénierie pour inciter à entreprendre autrement. Assise à ses côtés, Ariane Delmas a, elle, relevé le défi en lançant en 2011 Les Marmites Volantes : une entreprise de restauration engagée. Le concept de départ ? Livrer des repas cuisinés, servis dans des contenants consignés, réutilisables (et réutilisés) et acheminés à vélo. Le succès est au rendez-vous. À tel point que les quatre cofondateurs décident d’ouvrir, en mai 2012, une première adresse dans le 19e arrondissement de Paris. Cela étant, les engagements des Marmites Volantes restent intacts : des approvisionnements responsables ; une gestion optimisée des déchets ; la mobilité douce ; et bien sûr, un engagement social. 

Penser société

" Si la viabilité économique est une nécessité, nous avons toujours été portés par une vision de société. Au départ, on a voulu monter une entreprise pour créer de l’emploi durable" , se remémore Ariane Delmas, qui manage trente salariés.

Même ambition du côté de Stéphane Berdoulet, co-directeur de l’association Halage. " Lobjectif initial de notre association était dagir en faveur de lenvironnement sur l’île Saint-Denis (93), tout en favorisant la création demplois. " Halage a ainsi lancé le projet Lil’Ô (1). L’idée ? Réhabiliter une ancienne friche industrielle en espace exemplaire de biodiversité. Ceci a permis de faire sortir de terre un laboratoire scientifique sur la régénération des sols, une plateforme de compostage, une ferme florale… " Ces fleurs, on les produit pour des fleuristes parisiens, le Ritz ou encore Roland-Garros. A priori, on sera capable de produire 100 000 fleurs en 2022 ", se réjouit d’avance Stéphane Berdoulet, fier de créer de l’activité et en même temps dépolluer le territoire. 

" La priorité nest pas denrichir nos actionnaires "

Comme Halage, Ariane Delmas des Marmites Volantes était sensible à ce que " l’activité économique soit au service de la mission " . " Le premier resto a, par exemple, mis 18 mois avant d’être rentable, souligne l’entrepreneuse. On n’a pas créé cette entreprise pour devenir riche. Et même si on a des bénéfices, ils ont vocation à être partagés. La priorité n’est pas d’enrichir nos actionnaires. "

Cette vision a en tout cas porté ses fruits. L’activité des Marmites Volantes est aujourd’hui en forte croissance. L’entreprise a, dès 2016, ouvert un deuxième restaurant à Montreuil et diversifié son activité, en livrant du lundi au vendredi (parfois hors mercredi selon les établissements) de la capitale et sa première couronne. Et ce, toujours à vélo grâce au service de livreurs et livreuses salariés ainsi que d’Olvo. Cette coopérative de cyclo-logistique, à l’instar des Marmites Volantes, prône un modèle social qui se veut le plus vertueux possible, a contrario de l’ubérisation de la plupart des plateformes de livraison. 

Le respect des salariés avant les dividendes

" La genèse d’Olvo est assez drôle puisque notre premier client a été Deliveroo ; on prenait en charge des livraisons groupées en vélo cargo (des vélos équipés pour transporter des charges plus lourdes que des vélos classiques, NDLR). Cela a duré plusieurs années avant qu’on ne s’en détache complètement ", raconte Paul Roudaut, co-gérant de la coopérative.

Fruits, fleurs, vin, café en grains, fûts de bières, plats cuisinés… : Olvo ne noue aujourd’hui des contrats qu’avec des fournisseurs pour qui la livraison à vélo relève dun engagement éthique. C’est ce qui a séduit Les Marmites Volantes ou MamAyoka, qui concoctent des petits plats en promouvant écologie et insertion des femmes. Si le coût de la prestation d’Olvo est un peu plus élevé que le reste du marché, le modèle social est convaincant. " En réalité, on paie le juste prix. Les autres entreprises qui proposent des tarifs plus bas sous-paient tout simplement leur coursier, lâche Ariane Delmas. Chez Les Marmites Volantes, on est fier de dire qu’on paye le juste prix et de savoir que les livreurs sont bien traités. "

Contrairement aux règles prévalant chez les géants comme Uber Eats, les livreurs dOlvo nont pas à entretenir et à stocker leur vélo, aucune tenue réglementaire ne leur est imposée et leur planning de livraison est annoncé à lavance. Autre particularité d’Olvo, la gouvernance. Tous les coursiers sont salariés, et l’entreprise s’est organisée en Scop (Société coopérative et participative), qui permet la redistribution des dividendes entre les sociétaires. " L’idée derrière ça, c’est de casser le plafond de verre entre dirigeants et dirigés ; il permet une extrême implication des salariés et une montée en compétences rapide ", observe Paul Roudaut.

Une croissance à limiter ?

Mais quand l’activité est au rendez-vous, faut-il limiter la croissance pour préserver " l’aspect social " ? Ariane Delmas a son idée sur la question : " Je vis un paradoxe d’être une entreprise à impact et en pleine croissance. Quand on me demande si j’ai envie d’essaimer Les Marmites Volantes dans d’autres villes de France, je reste très partagée. Même si on a acquis des compétences et de l’expertise, qui est-on pour apprendre aux Nantais ou aux Lyonnais la restauration engagée ? Certes, on peut diffuser ce savoir mais il s’agit surtout de trouver le bon équilibre et la taille optimale de son entreprise. " Un défi qui reste encore à relever.

(1) Lauréat du programme d’innovation sociale de Paris&Co dans le cadre de l’Arc de l’innovation, piloté par Camille Guérin.

Maddyness, partenaire média de Paris&Co