Afin de comprendre pourquoi les acteurs traditionnels voient dans les DNVB, un modèle de véritables opportunités, Maddyness a rencontré Vincent Redrado, Fondateur et CEO de Digital Native Group  (DNG), Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe de Shopify, Antoine d’Arifat, CEO et cofondateur de Magnifaïk, ainsi que David Bijaoui, CEO de Colorz. 

Les DNVB, un modèle de réussite digitale

" Les DNVB sont des marques qui se lancent dès le départ en e-commerce " rappelle Vincent Redrado, Fondateur et CEO de DNG. " Cela fait partie de leur ADN, et leur différence est encore plus profonde : dans les règles du DNVB, on met au cœur de tout le consommateur. On maîtrise la data, avec une colonne vertébrale de marque authentique. On parle directement aux consommateurs, aux nouvelles générations ". Les marques Balzac Paris, Seasonly ou Cabaïa en sont de parfaits exemples. 

Les DNVB utilisent des sites e-commerce et des plateformes SaaS comme Shopify pour vendre au national et à l’international en toute simplicité. Et ce, sans aucune boutique physique au lancement. Avec un chiffre d’affaires des DNVB atteignant les 2,7 milliards d’euros en 2021, il s’agit là d’une stratégie gagnante. Ces marques prônent souvent une réelle authenticité, une proximité, un savoir-faire français, un objectif social ou un caractère écoresponsable bien marqué. Le storytelling est souvent finement mené, et permet de s’immerger dans l’univers de la marque. Elles mettent également en opposition les marques " traditionnelles " et leur fonctionnement, comme l’avait fait Justine Hutteau lors des pré-ventes des déodorants de sa marque Respire.

" Ma conviction personnelle est que les consommateurs regardent d’abord les valeurs que la marque diffuse " affirme Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe de Shopify. " Il est donc important d’offrir les outils à nos utilisateurs, pour animer cette communauté. Les marques se lancent et créent leur communauté. Mais on est aussi en mesure de renverser l’équation, quand on observe l’émergence de l’économie des créateurs. Dans le cas de Youtubers comme Scoot 2 Street ou Eric Flag, les communautés sont existantes et nos outils comme Youtube Shopping permettent à ces créateurs de vivre de leur passion, et [même de créer leur marque DNVB grâce leur communauté] ".

Le modèle et un fonctionnement agile

Leur clientèle est essentiellement jeune, et leur visibilité provient surtout des réseaux sociaux, notamment d’Instagram et de Facebook. Leur flexibilité est également signe d’économie : les DNVB n’ont pas toujours de locaux, et donc moins de sur-stocks. Cela induit moins de gaspillage. Pour le lancement, l’idée du crowdfunding ou des préventes est très présente, lorsqu’on constate que 40% des DNVB mis à profit ce genre de campagne pour se lancer. Cela constitue pour les jeunes marques un moyen de se financer et un levier pour constituer une communauté engagée. 

" Du fait de leur modèle, le poids de l’e-commerce est très fort " explique Vincent Redrado, Fondateur et CEO de DNG. " Il ne s’agit pas forcément pour ces marques d’avoir une grande communauté, mais surtout une forte communauté. Il leur faut un contenu commercial et de communication qui se renouvelle tous les jours et constamment. Elles se lancent dans l’e-commerce, avec des applications comme Shopify. Puis mettent un pied dans le physique. Par exemple, par l’intermédiaire de boutiques éphémères. Mais la question reste la même : comment se faire connaître à ses débuts ?  Il existe plusieurs leviers : la publicité payante sur les réseaux sociaux, l’affiliation, le référencement naturel, une collaboration, la production de contenus, … Il est important d’avoir un mix de ces contenus, de se diversifier ".

Fortes de ce succès, le nombre de DNVB croît de façon exponentielle avec +32% de marques en 2021, par rapport à 2020, pour atteindre 10.640 emplois créés. 

La nécessité de s’inspirer des DNVB et de leurs best practices

Avec la crise sanitaire, les acteurs traditionnels du marché qui n’en n’avaient pas déjà ont dû improviser une solution numérique. Et ce en complément du réseau de boutiques physiques existant. " Pendant longtemps l’e-commerce était ‘’juste’’ une nouvelle boutique du réseau " affirme David Bijaoui, CEO de Colorz. " Lors de l’arrivée du Covid en France, nous nous sommes retrouvés dans un contexte qui était à l’époque innovant pour certains, mais déceptif pour les employés de la marque. L’e-commerce, notamment avec la crise sanitaire, a mué, pris en maturité : ce n’est plus une boutique, mais une prestation au service du client ".

Le lancement de ces activités numériques a permis aux acteurs déjà bien implantés de s’inspirer d’autant plus des marques entièrement digitales (utilisation de l’e-commerce,  construction du contact avec le client avec les réseaux sociaux, lancement de blogs, storytelling, …). Il était alors nécessaire de privilégier des solutions rapides mais efficaces. 

" Aujourd’hui, pour rester flexible, Il faut utiliser des moyens efficaces et facilement adaptables : avec Shopify, il est possible de développer des pages produits, comme des landing page, facilement, sans besoin de connaissances spécifiques en matière de développement " affirme Antoine d’Arifat, cofondateur et CEO de Magnifaïk. " C’est un outil riche et puissant pour de la vente. Les pages produits deviennent de véritables sites à part entière. Aujourd’hui, lancer un e-commerce est extrêmement simple. Et cela prend peu de temps. Cependant, sans levier, sans traction, vous allez démarrer très petit. Si vous n’avez pas de communauté et aucun moyen de vous faire connaître, vous allez progresser très lentement ". Or, les acteurs traditionnels du marché disposaient déjà d’une communauté.

" Au cours de la période de covid, on a pu observer une arrivée importante de commerçants qui, pour une question de survie, se sont lancés dans le commerce en ligne " rappelle Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe de Shopify. " Par la suite, les commerçants ont souhaité garder les deux canaux […] alors même que ces outils étaient initialement considérés comme concurrentiels ". 

Leur agilité n’empêche pas les DNVB de souffrir de difficultés inhérentes à leurs spécificités. En effet, avec les événements macroéconomiques les plus récents (inflation, guerre en Ukraine, …), le coût des matières premières a explosé. Tout comme les coûts de livraison. Les consommateurs ont alors moins de pouvoir d’achat. Parallèlement, le coût d’acquisition sur internet d’un client est devenu beaucoup plus onéreux. Le coût moyen d'acquisition d’un nouveau client pour une DNVB explose à plus de 26 euros, du fait d’une saturation sur les canaux de publicités payantes (SEA). Or, selon une étude DNG, les DNVB en 2021 ont un taux de marge brute de 54%, contre 75% en moyenne selon le référentiel de marques retenues par l’étude. Ces facteurs ont engendré une fragilité économique de certaines DNVB. 

Pour y remédier, il est devenu encore plus nécessaire de capter le client, sur n’importe quel canal. Et de ne surtout pas le perdre, de limiter “les frottements”. Les grandes marques disposant de boutiques, l’imitation des DNVB par le digital leur a donné un pouvoir d’action supplémentaire. Comme l’explique David Bijaoui, CEO de Colorz les liens entre leurs canaux physiques et numériques sont devenus particulièrement étroits au fil du temps : " Aujourd’hui, l’objectif n’est pas de transformer le site internet en un nouveau point de contact, mais d’apporter au client un seul hub multi points de contact. La digitalisation de la marque va lui apporter ce service : si la boutique physique n’a pas un article dans notre taille, ce n’est plus un problème. En effet, l’article va être commandable depuis la boutique directement sur le site e-commerce. [Pour les grandes marques], la boutique en ligne est devenue une brique d’un environnement dédié au service client.  ".

De façon complémentaire, des outils adaptés permettent alors de compenser les difficultés dues à l’augmentation des coûts, notamment par la fidélisation du client ou la valorisation des communautés des marques. " Les consommateurs ont besoin d’authenticité " rappelle Emilie Benoit-Vernay, Head of Southern Europe de Shopify. " Nous sommes aujourd’hui passés d’un commerce transactionnel à un commerce relationnel. Le coût d’acquisition client a augmenté. Il est donc devenu nécessaire de mettre en place une expérience fluide pour être en lien avec son client, et le fidéliser pour capitaliser sur une communauté.".

Enfin, pour s’adapter à cette concurrence accrue des marques traditionnelles, les DNVB ont tendance à devenir à leur tour omnicanales. Nombreuses sont celles qui ouvrent des boutiques éphémères, pour ensuite lancer de vraies boutiques. 900.care en est un très bon exemple. Elles s’ouvrent aussi énormément à l’international, pour obtenir de nouveaux marchés : 40% vendent à l’international, ce qui représente 37,5% des ventes à l’étranger sur le CA total. 

" Pour pouvoir scaler et s’ouvrir à l’international, il faut prévoir en amont un outil qui s’adapte à tous les stades de l’entreprise " conclut Vincent Redrado, Fondateur et CEO de DNG. " Par exemple sur Shopify, pour le lancement d’une activité on peut commencer avec un thème classique. Et au bout d’une demi journée, on va pouvoir générer du CA. Mais l’entreprise va pouvoir conserver la même solution e-commerce lorsqu’elle va grandir : ‘’Shopify Plus’’ permet de créer une entreprise de zéro jusqu’au scale, tout en ayant facilement l’accès à l’international ".