4 avril 2022
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Temps de lecture : 6 minutes
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Comment la crise du Covid-19 fait le jeu de la HealthTech

L’association France Biotech lève le voile sur la nouvelle édition de son panorama France HealthTech. Selon l’état des lieux, réalisé annuellement, BioTech et MedTech ont été portées par l’intérêt suscité par la crise sanitaire liée au Covid-19. Elles ont gagné des salariés, commercialisé plus de solutions et levé plus de fonds que jamais.
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© Anastase Maragos, Unsplash

Republication du 15 février 2022

Le secteur de la HealthTech a largement profité de la crise sanitaire liée au Covid-19e, au cours des deux dernières années. De quoi franchir de nouveaux caps de maturité en France à en croire l’association d’entrepreneurs France Biotech, qui a publié le 15 février 2022 la nouvelle édition de son état des lieux annuel du secteur.

"On assiste à la conjonction d’une bonne dynamique entrepreneuriale, associée à l’attractivité du domaine pour les talents en quête de sens, et à une expérience solide des pionniers, en mesure de créer un cercle vertueux en matière de compétences" , souligne son président Franck Mouthon, saluant la "structuration des réseaux" à l’heure où les investissements se font de plus en plus conséquents. Le panorama France HealthTech a sondé un panel de 427 sociétés de la BioTech, de la MedTech et de l’e-santé, sur le total de 2 000 que compte la France. Et a mis, pour 2021, une poignée d’aspects en exergue.

50 % des dirigeants ont un profil scientifique

Selon l’étude diligentée par France Biotech, avec le soutien de Bpifrance, Euronext et EY, voici le portrait-robot de la HealthTech tricolore : un chiffre d’affaires moyen de 2,3 millions d’euros, 25 salariés et 9 années au compteur. "Un quart d’entre elles se situent en région Île-de-France. Des écosystèmes dynamiques existent, cela dit, dans le Grand-Ouest, en Occitanie ainsi qu’en Auvergne-Rhône-Alpes" , note aussi Chloé Evans, responsable des études sectorielles et relations internationales à France Biotech, expliquant cet "ancrage territorial" par le fait que la plupart de ces entreprises émanent d’institutions tels que les centres hospitaliers universitaires (CHU) ou universités.

Pour ce qui est de la répartition des startups françaises de la santé entre les différents sous-domaines : 42 % sont des BioTech – à l’origine de thérapies –, 22 % sont des MedTech – derrière divers dispositifs médicaux – et 16 % sont actives dans l’e-santé – des solutions jugées moins "risquées" que les dispositifs médicaux classiques. "Il y a une forte diversité" , estime Chloé Evans.

Les dirigeants des HealthTech sont expérimentés. 79 % d’entre eux sont les fondateurs de l’entreprise et 73 % ont un profil scientifique. Si 56 % des dirigeants ont travaillé dans un grand groupe par le passé, 50 % tout de même sont issus de la sphère académique. Un signal positif, alors que des organisations toujours plus nombreuses encouragent leurs scientifiques à franchir le rubicon en entreprenant – à l’instar de l’Institut Curie. En moyenne âgés de 50 ans, ces chefs d’entreprise sont majoritairement des hommes : 18 % seulement sont des femmes. Fin 2021, le panel du panorama France HealthTech comptait 22 sociétés de plus de 100 salariés – contre seulement cinq, cinq ans plus tôt. Le secteur concentre, d’après le rapport, quelque 10 600 emplois et un chiffre d’affaires cumulé de 800 millions d’euros.

La R&D reste le premier poste de dépenses

La tendance est à la hausse, pour ce qui est des budgets de recherche et développement. "On constate qu’ils sont 20 % plus élevés en 2021 qu’en 2020. Il s’agit toujours du premier poste de dépenses, tout comme du pan de l’activité concentrant le plus de salariés (38 %) dans les entreprises" , analyse Chloé Evans. Conséquence de ces investissements : 69 % des startups interrogées ont déposé au moins un brevet. La moitié d’entre elles fait part de sa volonté de redéposer une demande à moyen terme. Et la protection de la propriété intellectuelle est un enjeu crucial pour les HealthTech, comme le réaffirme Chloé Evans : "14 % d’entre elles anticipent des difficultés en la matière, et les deux tiers attendent un meilleur accompagnement de l’État." Parmi les autres points d’attention des dirigeants : la maîtrise des coûts financiers, des contrats et licences ainsi que la recherche de bons prestataires.

En 2021, ce sont 731 accords de licence ou de collaboration qui ont été signés par les startups du secteur à travers l’Europe. Ce qui représente quelque 81 millions de dollars de transactions. Sans surprise, les autres pays d’Europe occidentale (Allemagne, Suisse, Belgique et Royaume-Uni) constituent les meilleurs partenaires des sociétés françaises… suivis par les États-Unis, en volume. La liste des marchés prioritairement ciblés par les HealthTech tricolores ressemble à s’y méprendre avec, dans l’ordre : les États-Unis (81 %), l’Allemagne (70 %), la Belgique (56 %), la Suisse (47 %) et l’Espagne (45 %). "En fait, elles ne sont que 28 % à déclarer viser leur seul marché domestique, la France" , observe Chloé Evans, selon qui "les deux tiers des HealthTech commercialisent" au moins un produit à date.

Vers un regain d'intérêt en Bourse

En matière de financement, l’année 2021 a aussi été celle d’un record selon le décompte de France Biotech. 2,3 milliards d'euros ont ainsi été levés par les BioTech et MedTech, dont 1,6 milliard en capital-risque – un chiffre en croissance de près de 50 % par rapport à 2020. "Avec ce bon résultat, le montant levé en France se classe deuxième en Europe… loin derrière le Royaume-Uni, qui enregistre un total encore deux à trois fois plus élevé, regrette Cédric Garcia, associé au sein du cabinet d'audit financier et de conseil EY, qui reconnaît la ténacité des fonds. Jeito Capital ou Sofinnova Partners ont, par exemple, tous deux largement augmenté leur capacité d’investissement ces derniers mois." Parmi les tours de table les plus significatifs de l’année figure la série C de 172 millions d’euros de la BioTech DNA Script, qui développe une imprimante à ADN. Un niveau qui "se rapproche" de ce qui est observé aux États-Unis depuis plusieurs années, à en croire Cédric Garcia.

Ce phénomène est à mettre en parallèle d’un regain d’intérêt pour la Bourse. Selon Guillaume Morelli, directeur listing PME-ETI France à Euronext, 133 HealthTech sont cotées sur la place boursière – parmi lesquelles 68 sont françaises – pour une capitalisation boursière cumulée de 60 milliards d’euros – dont 16,2 milliards pour les tricolores. "On voit que le Covid-19 a eu un impact positif sur la perception du secteur" par les investisseurs, qui le jugeaient jusqu’ici risqué. "Sept sociétés françaises ont réalisé leur IPO en 2021, sur un total de 17 en Europe. Investisseurs individuels comme fonds spécialisés s’intéressent à elles, relève Guillaume Morelli. La création par Euronext de Tech Leaders [un segment de marché visant à mettre en valeur les entreprises technologiques, N.D.L.R.] permettra aux HealthTech de gagner en visibilité auprès des investisseurs internationaux." L'opportunité pour la Bourse de devenir un réel levier de croissance, alors que la place publique est encore une solution de repli pour de nombreuses BioTech en mal de financement en private equity.