écrit le 21 février 2022, MÀJ le 1 septembre 2023
21 février 2022
Temps de lecture : 8 minutes
8 min
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Hectar : agroécologie et alimentation durable au menu de l'accélérateur

Lieu d’expérimentation, de formation et de recherche, le campus Hectar imaginé par Xavier Niel et Audrey Bourolleau, vient de présenter la première cohorte de son accélérateur, créé en partenariat avec HEC. Maddyness était sur place.
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Crédit : Dimitri Klosowski

Installé au milieu de plusieurs hectares de cultures et de forêts, un grand corps de ferme floqué d’un panneau Hectar immanquable accueille les visiteurs. Entrepreneurs, étudiants, partenaires, mentors et fonds d’investissement ont fait le déplacement pour découvrir les onze pépites sélectionnées et le campus qui prend petit à petit forme depuis l’annonce de sa création en février 2021. Les échanges fusent et les cartes s’échangent entre tous les participants dont une bonne partie découvre le campus pour la première fois.

Le rappel des troupes sonne pour suivre la première session de pitch. Francis Nappez en profite pour rappeler les trois piliers sur lesquels repose l’accélérateur : économique (diversification des revenus, des productions, etc), social (préservation des équilibres de vie) et environnemental avec, notamment, l'agriculture régénératrice. Cette dernière partie de l’ADN du projet, c’est d’ailleurs ce qui a séduit les premiers partenaires : Naturalia, Parfums Christian Dior et Timac Agro. "L’agriculture moderne a réellement affaibli la biodiversité. Il est essentiel de travailler sur la transmission des savoirs pour être sûr qu’on puisse engendrer une nouvelle génération de producteurs de fleurs qui cultive de manière vertueuse" , confie Edouard Mauvais-Javis, directeur de l’environnement chez Parfums Dior. L'entreprise cherche avec Hectar des solutions pour réduire l'utilisation de pesticides dans la fabrication de ses produits. "Plus de 80% de nos produits -maquillage et parfums- sont d’origine végétale" , rappelle t-il pour souligner le lien qui unit ces deux mondes.

Agroécologie comme ADN commun 

Avec cette première cohorte, Hectar met en avant l’agroécologie - des méthodes de production agricole respectueuses de l’environnement - ainsi qu’une alimentation plus durable. Ce qui se traduit par la sélection d'entreprises :

  • réduisant l’usage de produits phytosanitaires ou augmentant leur résistance (Mycophyto -solution de bio-stimulants à base de champignons mycorhiziens-, Alvie -plateforme d’IA pour l’optimisation de produits phytosanitaires et de biocontrôle-, Agriodor -création de parfums à base de kairomones remplaçant les pesticides);
  • spécialisées dans le développement d’une alimentation respectueuse de la planète et de la santé (Nudj -steaks végétaux à base de fruits du jacquier-, BioDemain -marque aidant les agriculteurs à passer à la bio-, Kuupanda -outil SaaS de gestion pour les producteurs en vente direct-);
  • visant à réduire la charge de travail des agriculteurs et les accompagner dans leur prise de décision (Touti Terre -autoporteur électrique pour les maraîchers-, Aptimiz -outil de mesure automatique et d’analyse du temps de travail en agriculture-, RGX-détection précoce de pathologies dans la vigne grâce à des caméras intelligentes-, My Easy Farm -plateforme SaaS pour l'Agriculture de Précision et les projets Bas Carbone);
  • cherchant à faciliter et financer la transition (TerraTerre -plateforme de compensation carbone dans l'agriculture française-, My Easy Farm).

Ce partage de valeurs autour d’une agriculture plus raisonnée est ce qui a séduit en premier les entrepreneurs. “Nous avons été sollicités par beaucoup d’accélérateurs FoodTech qui étaient plus axés sur le côté “cuisine” mais la vision d’Hectar sur la consommation durable nous a attirés" , reconnaît Barthélémy Peuchot, cofondateur de Nudj.

On notera de nombreux projets tech au menu, ce qui fait écho à l’intégration de l’école 42 dans le projet via un programme permettant à des étudiants de 42 de "développer des compétences techniques dans le cadre de projets d'intelligence artificielle liés au contexte et aux besoins du secteur agricole" , précise l'école. "Pour moi la technologie est un moyen d'apporter des solutions à la société. Nous avons la chance de vivre dans une société où les outils pour faire des choses formidables sont à portée de main" , estime Francis Nappez, le directeur général d'Hectar et cofondateur de BlaBlaCar. Mais pas question de remplacer les agriculteurs par des machines pour autant. L’objectif est de récolter des informations et des données pour mieux mesurer l’impact des actions menées et se concentrer sur les plus bénéfiques pour les Hommes et la planète. Pour s’en assurer, Hectar a également "développé un partenariat avec BNP Paribas et Makesense pour travailler sur la mesure d’impact" , rappelle Marie Dewavrin, responsable des partenariats chez Hectar. 

Synergies et réseautage 

En phase de croissance, les onze entreprises sélectionnées pour intégrer l’accélérateur cherchent à accroître leur portefeuille de clients mais aussi leur capital. My Easy Farm et Aptimiz sont en phase de levée des fonds, par exemple. Une période complexe pour tous les entrepreneurs, particulièrement dans le monde agricole où le temps de développement est parfois (trop) long par rapport à celui de l'investissement. Hectar, et son effet réseau porté par son duo de fondateurs et ses premiers partenaires, devient dès lors un atout considérable pour ces entrepreneurs et entrepreneuses en recherche de visibilité et de notoriété.

Xavier Niel, Francis Nappez et Audrey Boulloreau ont, en effet, réussi à fédérer de nombreux partenaires, une trentaine de mentors (ITK, la Ferme Digitale, Ÿnsect pour ne citer qu'eux) et plus de 500 experts impliqués dans le succès du projet. "Plus de 120 introductions ont déjà été réalisées” entre les entreprises dites accéléréés et des membres du réseau, avance fièrement Antoine Leprêtre, directeur de l'incubateur HEC Paris, sans compter les synergies qui commencent aussi à s’initier entre startups.

Réussir à créer cette proximité et favoriser les échanges est aussi ce qui a séduit plusieurs partenaires. Edouard Mauvais-Jarvis imagine déjà des rapprochements avec des startups. "Nous nous sommes déjà rapprochés de plusieurs acteurs. Nous aimerions travailler avec Agriodor sur nos champs de fleurs. Mycophyto propose une solution intéressante aussi et nous pensons que RGX peut même aller plus loin dans le développement de sa solution” , confie t-il. 

Le couple HEC / Hectar 

“La bio est un écosystème formidable qui comprend une multitude d’acteurs engagés mais qui restent souvent assez artisanaux et n’ont pas forcément pour ambition de couvrir le monde, constate avec regret Allon Zeitoun, directeur général de Naturalia, qui pense trouver en Hectar, "la structure qui manque pour faire émerger des solutions à des problèmes réels et les faire croître.” Une ambition rendue possible par le cumul de connaissances entre monde agricole et monde économique. “Les équipes d’Hectar comprennent les problèmes des agriculteurs et tentent de faire émerger des solutions qui répondent à de vrais problèmes et qui sont industrialisables, ils essaient de faire gagner du temps à nos agriculteurs” , se réjouit Florent Cappe, directeur général de Timac Agro. 

Le secteur agricole possède de nombreuses spécificités et se caractérise souvent par un travail de longue haleine avant de pouvoir commercialiser ses solutions, détaille Justine Lipuma, fondatrice de Mycophyto. Le caractère très “business” représenté par le partenariat avec HEC est une des composantes qui manquait à beaucoup de structures selon de nombreux entrepreneurs et entrepreneuses interrogés. 

Plusieurs startups reconnaissent ainsi un besoin d’accompagnement pour se structurer. "Nous avons besoin d’apprendre à former et faire monter nos équipes en compétence car nous nous développons très vite. J’ai déjà changé trois fois de métier en deux ans" , cite en exemple Justine Lipuma, fondatrice de Mycophyto. "Et moi deux fois en deux ans, rebondit Mathilde Clément, responsable R&D dans la même société. J’ai déjà pu travailler sur plusieurs points avec des membres d’HEC, notamment la gestion du temps" . Une expérience valorisante et nécessaire pour les deux femmes. D’autres startups cherchent à développer leur stratégie de croissance ou à mieux comprendre les rouages de la vente dans le monde agricole, à des industriels ou à des chaînes de supermarchés, connues pour être difficiles en négociation. 

Trois mois intenses

Le programme de l’accélérateur comprend trois mois d’accompagnement ponctué de moments d'échanges avec leurs mentors sur le développement de leur leadership, les enjeux de communication ou encore l’impact de leur modèle. Une quarantaine d'ateliers et des événements favorisant les mises en relation sont également au programme. Des points réguliers seront effectués pour vérifier si les stratégies sont bien mises en place, ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas.

Mais intégrer l’accélérateur, c’est aussi bénéficier des infrastructures d’HEC Paris et d'Hectar. Ce dernier propose un accès à un espace de coworking, son auditorium de 80 places, son Farm Lab pour y modéliser des projets ou réaliser des prototypes. Sans oublier la mise à disposition de 50 hectares dédiés à l'expérimentation sur les 250 que compte le domaine. My Easy Farm espère en profiter avec sa solution. De son côté, HEC offrira l'accès aux 150 startups accompagnées à l’incubateur HEC Paris et son Centre Innovation et Entrepreneuriat. Mais aussi à ses experts. 

Au total, ce ne sont pas moins de 80 startups qui devraient bénéficier d'un accompagnement sur deux ans. Pour sa part, Francis Nappez regarde déjà vers l'avenir et les prochaines cohortes dont certaines pépites, déjà sélectionnées, mettront sur le devant de la scène d'autres enjeux du monde agricole.