Portfolio par Maddyness, avec AFP
22 mars 2022
22 mars 2022
Temps de lecture : 4 minutes
4 min
12521

Les robots d'Exotec séduisent les entrepôts de la grande distribution

Exotec, l'une des premières licornes industrielles françaises, a bénéficié de la crise du Covid-19. L'essor de l'e-commerce pendant cette période a incité les enseignes de la grande distribution à doter leurs entrepôts de ses robots escaladeurs.
ÉCOUTER L’ARTICLE
Temps de lecture : 4 minutes
Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.
Légende photo :
Exotec

Elle est devenue, à la faveur de la pandémie, une des premières "licornes" industrielles françaises. Exotec, qui construit des robots escaladant les étagères pour rendre les entrepôts plus efficaces, a été lancée en 2015 et emploie désormais 350 personnes, qui ont déployé des flottes de robots dans dix pays. La dégaine carrée de ces "Skypods" , et les simples caisses en plastique turquoise qu'ils transportent, ne semblent pas révolutionnaires à première vue.

Mais, en fonctionnement dans l'entrepôt de leur fabricant à Croix, près de Lille (Nord), leur ballet est étourdissant : ils s'élancent à l'assaut des racks, jusqu'à plus de 10 m de haut, avant de rapporter leur prise de façon autonome à la station où se trouve l'opérateur. L'idée est venue à deux étudiants en école d'ingénieurs, en voyant le géant américain de l'e-commerce Amazon garder discrètement pour lui la technologie d'une société de robots qu'il a achetée en 2012, Kiva, signe de l'avantage crucial qui lui apportaient ces engins.

Amazon avait toutefois "une énorme limitation : ils stockent à 1,80m de haut" , car leurs fameux robots orange sont conçus pour porter les rayonnages et non se servir dedans, explique Romain Moulin, l'un des deux co-fondateurs d'Exotec. "Nous, nous voulions les faire monter jusqu'au plafond."

"Quand robotiser ?"

Les premiers Skypods sortent des laboratoires en 2017, et le premier système est installé chez C-Discount en région parisienne, avec pour mission de densifier le stockage et accélérer la préparation de commandes. Ces robots envahissent les entrepôts, avec deux vastes centres logistique d'Uniqlo au Japon, le dépôt de e-commerce Carrefour pour le sud de l'Île-de-France, et un premier système chez Decathlon.

Résultat : Exotec, est désormais valorisée 2 milliards de dollars, entrée en grande pompe dans le club des "licornes" , ces startup indépendantes non cotées en Bourse, valant plus d'un milliard de dollars. Parmi les 25 licornes françaises, elle est d'ailleurs seulement la deuxième issue du secteur industriel, après Ledger.

L'installation de flottes de Skypods, qui coûtent de 1 à 50 millions d'euros, s'est accélérée avec la pandémie, qui a favorisé les achats en ligne. Ainsi le système de Carrefour "s'est mis à produire deux fois plus en alimentaire, explique Romain Moulin. Il y a eu un changement d'état d'esprit. Avant, la question était "Est-ce que je vais automatiser ou robotiser?" , maintenant la question est "Quand ?" Les robots sont dopés par l'exigence de vitesse des clients, les critiques sur l'emprise foncière des entrepôts et la difficulté de recruter de la main d'œuvre pour des métiers logistiques pénibles.

 

"Éthique des robots"

Pour Sébastien Laizet, directeur logistique chez Monoprix, qui a déployé des robots Exotec sur 4 500 m2, cette évolution est nécessaire pour rester "compétitifs" . L'enseigne de grande distribution, filiale du groupe Casino, a divisé par deux la surface de stockage au sol, gagné "quasiment un jour de délai" dans les livraisons, et peut désormais embaucher plus large, y compris des personnes "pouvant rencontrer des difficultés pour se baisser ou porter des charges lourdes" , souligne-t-il.

Exotec se targue de pouvoir adapter facilement ses systèmes pour répondre aux montées en charge des entreprises, un atout face à l'automatisation traditionnelle. Les robots étant de plus en plus connectés, voire dotés d'intelligence artificielle, le changement s'annonce radical à moyen terme. Pour Cécile Dolbeau-Bandin, sociologue à l'Institut pour l'Étude des Relations Homme-Robots, s'il n'y a pas de conséquence négative "pour le moment" sur l'emploi, au vu de la croissance du secteur logistique, il faut rester "vigilant" face à cette robotisation industrielle à grande échelle.

Dans ses entrepôts robotisés, Uniqlo a réduit de 90 % son personnel selon la presse spécialisée. De son côté, Exotec recrute pour la seule année 2022 plus de 300 personnes, principalement des ingénieurs. "Il y a des conséquences sur l'environnement et notre empreinte carbone. Et le risque, dans certains pays, que des entreprises cherchent à remplacer les humains" , souligne la sociologue, appelant à "réfléchir à une éthique des robots".

Un conseil qu'avait déjà formulé Laurence Devillers, professeure en informatique appliquée aux sciences sociales à Sorbonne Université, à l'occasion de la MaddyKeynote 2021.