Actus par Maddyness avec AFP
13 mai 2022
13 mai 2022
Temps de lecture : 3 minutes
3 min
12221

Cabines et bornes de téléconsultation essaiment sur le territoire

Se faire diagnostiquer angine ou otite à des kilomètres du médecin: les cabines ou bornes de téléconsultation médicale essaiment en France, attisant l'appétit des entrepreneurs dans un contexte de déserts médicaux.
ÉCOUTER L’ARTICLE
Temps de lecture : 3 minutes
Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.
Légende photo :
Cabine de téléconsultation Tessan

Les besoins médicaux sont indiscutablement là. Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), jusqu'à 11% de la population française habiterait des territoires sous-dotés en médecins généralistes. Ce qui pousse certains départements à investir dans des cabines ou des bornes de téléconsultation.

Un an et demi après l'installation de telles structures, le retour est plutôt positif, estime Martine Tabouret, vice-présidente du Conseil départemental de l'Ain. Certaines cabines enregistrent 180 consultations par mois, détaille t-elle. "Je pense que cela peut contribuer à "désaturer" les urgences" . "C'est une réponse immédiate, mais j'espère que d'ici 10 à 15 ans, on aura suffisamment de médecins pour que cela soit à la marge" , ajoute la
vice-présidente, alors que la fin du numerus clausus, qui limitait le nombre des étudiants en médecine, a été actée.

Mais ces solutions ont un coût non négligeable, que ce soit à la location ou à l'achat, parfois supporté par les collectivités. "La première cabine a coûté 100 000 euros" , explique Martine Tabouret, avant une baisse des tarifs. Chez Medadom, la location d'une cabine, avec accès à la plateforme, coûte 490 euros par mois sur 48 mois, soit plus de 23 000 euros. Chez H4D, l'abonnement pour l'implantation d'une grosse cabine revient à environ 2 500 euros par mois.

Des dispositifs plébiscités

La demande éveille indiscutablement l'intérêt du secteur privé. La société H4D a ainsi déjà installé 200 cabines en France. "Surtout dans des déserts médicaux : nous avons beaucoup d'appels de mairies" , explique Franck Baudino, le médecin à l'origine de l'entreprise. De son côté, Medadom, autre gros acteur du secteur créé en 2017, a déjà 2 000 bornes et cabines sur le territoire. "On propose un médecin en moins de 10 minutes" sans rendez-vous, souligne Nathaniel Bern, l'un des fondateurs, qui note lui aussi une forte progression de l'activité.

La bataille fait aussi rage du côté des fonctionnalités. Tessan développe ainsi, depuis 2017, des cabines "augmentées" comprenant des dispositifs médicaux permettant d'aller encore plus loin dans le diagnostique. "Les médecins pourraient ainsi réaliser jusqu’à 90% des actes qu’ils exercent habituellement contre 40 à 50% avec de la visio simple" , précisaient à Maddyness, en 2020, Jordan Cohen, CEO et fondateur de la société.

Cet engouement a donné des idées à l'entrepreneur Jean-Charles Farina, qui a fondé MediSpot en 2016 : un virage après la conception de cabines... pour fumeurs. "Nous avons regardé ce qui se fait chez les compétiteurs, et avons rajouté des éléments pour permettre l'entrée d'un fauteuil handicapé" , souligne-t-il.

Le temps de la régulation

Mais peut-on tout diagnostiquer depuis une cabine, de l'appendicite aux ganglions? "Certainement pas" , réagit Jacques Battistoni, président de MG France, le principal syndicat de médecins généralistes. "Nous sommes réservés sur ces cabines, qui offrent un diagnostic dégradé par rapport à la consultation en cabinet" , juge-t-il, estimant qu'à la faveur de la crise démographique médicale, "des choses se mettent en place de façon anarchique et pas organisée" . Enfin, il n'y a pas d'obligation de déclarer aux Agences régionales de santé l'implantation d'une cabine, même si les médecins pratiquant les téléconsultations doivent respecter une charte de bonnes pratiques.

Pour Nathalie Coutinet, économiste de la santé, la question de l'obligation des médecins à assurer des permanences dans les déserts médicaux reste sur la table : "durant le Covid, il y avait un caractère d'urgence aux téléconsultations, mais maintenant il est urgent de réguler le secteur" .