10 ans. Né en 2011, avant même Bpifrance (1er janvier 2013), avec le programme d'investissements d'avenir, le fonds Digital Venture (ex-Ambition Numérique) de la banque publique d'investissement a été l'un des pionniers dans l'émergence et le développement d'un écosystème tech français. C'est même "un miracle français" avance Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance, pour décrire cette initiative quasi-unique en Europe d'investissements d'argent public en capital-risque dans des jeunes entreprises.

Dix ans après, au moment de son bilan, Digital Venture annonce avoir investi, au total, dans 113 startups pour 365 millions d'euros. Selon les décomptes de Bpifrance, ces jeunes entreprises auraient créé 9100 emplois. "Avec Digital Venture, notre rôle a été de faire monter l'activité de capital-risque des fonds privés français. C'est réussi. Avec 720 millions d'euros d'actifs sous gestion (les participations existantes et l'argent encore disponible pour investir, ndlr), on fait des choix plus risqués que des fonds seuls, et c'est normal :  c'est notre mandat et notre activité. C'est notre apport à l'écosystème du venture capital français" , a expliqué Nicolas Dufourcq, à l'occasion d'une conférence de presse.

Et depuis tout a explosé. De 600 millions d'euros investis en 2011 par environ 30 fonds VC français, on est passé à 11 milliards d'euros investis en 2021 par plus de 100 fonds dans l'Hexagone. Le marché du capital-risque a donc été relancé. "On est parti sur des millésimes à 12, 13, 14 milliards d'euros levés" , prophétise Nicolas Dufourcq. Dans ce cadre, y-a-t-il encore un sens au soutien public de startups françaises alors que l'argent privé coule à flot ?

"Les premières phases de la vie d'une startup présentent toujours un fort risque. Ce sont des phases pendant lesquelles les capitaux privés sont difficiles à trouver. Sur les 11 milliards d'euros investis en 2021, plus de la moitié sont constitués de tours de table importants. Sur les séries A et B, on n'a pas de croissance aussi explosive" , estime Véronique Jacq, directrice de Digital Venture chez Bpifrance. "On prend 1,5 à 2 fois plus de risques qu'un investisseur privé avec des bonnes performances dans le venture, autour de la médiane (ratio de 1,7 pour 1 euro investi, ndlr) et proche des meilleures performances du marché en amorçage (ratio de 3, ndlr). Ce sont des missions d'intérêt public" .

Yann Fleureau, co-fondateur de Cardiologs, un startup de la DeepTech soutenu par Bpifrance lors d'une levée en amorçage, et acquise depuis par Philips, renchérit : "Les horizons de sortie des VC privés ne sont pas les mêmes. Ils sont parfois plus courts que ce que peut amener une combinaison avec Bpifrance et des business angels, surtout dans la DeepTech. Ça permet de ne pas griller une cartouche si on a un besoin de liquidités plus tard. Dans notre cas, on a fait un tour de seed de 1,2 million d'euros. Aujourd'hui ça peut paraître dérisoire. Mais à l'époque, la présence de Bpifrance a eu un effet de levier avec les business angels (600 000 euros)."

21 cessions d'entreprises depuis les débuts

Dans le portefeuille actuel de Digital Venture, on recense près de 90 startups. Le fonds dispose encore de 355 millions d'euros à investir en ciblant des startups à fort potentiel de croissance, avec des ambitions à l'international, et prêtes à relever des défis technologiques, pour reprendre les termes de Bpifrance. Parmi les entreprises accompagnées par l'équipe, on peut évoquer Singulart, ManoMano, Klaxoon, OpenClassrooms, Planity, Mindee, Exotrail, WeMaintain, Alice & Bob ou GarantMe. La valorisation de ces entreprises en portefeuille dépasserait les 5 milliards d'euros.

La fierté de Bpifrance réside aussi dans sa capacité à accompagner la cession d'entreprises. 21 de ces opérations l'ont été auprès de grands groupes, à l'instar de Cardiologs (acquise par Philips), Talentsoft (par Cegid), Teads (par Altice), Ovrsea (par Bolloré), ou par des fonds comme Wallix (IPO sur Euronext), ReCommerce (Capzanine, Creadev). Six de ces cessions l'auraient été à plus de 200 millions d'euros.

Concentré sur les premières années de vie des start-up, ce fonds n'est pas la seule activité d'investissement direct de Bpifrance. La filiale de la Caisse des dépôts dispose également d'un fonds de "Large venture", qui est destiné aux investissements dans les start-up plus matures et qui est doté de 1,75 milliard d'euros. Les mises se chiffrent dans ce cas non plus en millions d'euros, mais en dizaines de millions d'euros.

La banque investit également dans des fonds d'investissements privés, qui iront à leur tour financer des startups. Bpifrance a souscrit 1,5 milliard d'euros dans ces "fonds de fonds" en 2021.