Alors qu'ils sont encore chercheurs à l’Institut Langevin, filiale du CNRS et de l’ESCPI Paris, Geoffroy Lerosey et Mathias Fink s’appuient sur des travaux réalisés dans le domaine de l’optique pour développer la solution à l’origine de GreenerWave. "On apprenait à contrôler de la lumière avec des matrices de petits miroirs, qui permettaient de renvoyer les rayons lumineux dans une direction ou une autre" , détaille Geoffroy Lerosey. 

Un modèle qu’ils décident alors de reproduire dans le domaine des radios fréquences. "L’idée était de créer des matériaux intelligents qui s’intègreraient au mobilier ou à l’immobilier pour contrôler la réflexion des ondes de façon intelligente" , poursuit-il. Une manière de répondre à diverses problématiques : une baisse de qualité de la connexion Wi-Fi dans toutes les pièces de son logement ou de son bureau, mais aussi à la croissance du volume de données échangées qui saturent les réseaux actuels.

"Aujourd’hui, on lance beaucoup d’énergie dans les airs, pour en récupérer une toute petite partie sur son téléphone alors que la majorité est perdue du fait que le système ne soit pas intelligent. Nous voulions développer un système de télécom sobre en énergie et efficace." Le projet initial consiste alors à développer cette technologie de surface très accessible. "Mais en 2016, cette technologie était trop en avance sur son temps, elle ne sera mature pour le marché qu’en 2026. Le modèle économique était trop complexe à trouver et il était nécessaire de parler avec des sociétés comme Huawei pour changer d’échelle" , concède le co-fondateur. Malgré deux soutiens de taille - Xavier Niel et le CNRS - , les deux associés préfèrent déléguer le projet à une autre équipe et l’aventure se solde alors par un échec.

Elargir sa vision

En 2017, les deux chercheurs quittent le CNRS pour reprendre les rênes de la société. GreenerWave réalise alors un petit tour de table pour se redonner de l’élan et fait entrer un nouvel associé dans l’aventure, Timothée Laurent, qui devient alors le CEO de la société.

En 2018, la jeune pousse réalise rapidement un pivot suivi de quatre années de recherche et développement, qui ont pour but de faire émerger des solutions autour de trois grandes verticales de marché : télécoms et connectivité terrestre et non terrestre, comprenant la 5G/6G et les satellites ; l’imagerie radar pour les voitures autonomes et les systèmes de détection de maintenance et l’IoT.

"Ces trois applications utilisent la même brique technologique que l’idée de départ. On utilise des surfaces reconfigurables, que l’on va adapter en fonction des besoins" , précise Geoffroy Lerosey. La valeur de GreenerWave repose sur deux piliers : sa technologie hardware et ses algorithmes de contrôle, qu’elle adapte en fonction des applications.

Comment cette technologie se traduit en cas d’usage ? Elle permet de contrôler les ondes émises par la RFID et facilite ainsi la lecture du stock réel en temps réel dans un environnement complexe. Un concept qui trouvera aussi son intérêt pour le traçage des bagages, mais aussi dans l’industrie agroalimentaire, l’aéronautique et la logistique.

Concernant la voiture autonome, GreenerWave travaille en collaboration avec Plastic Omnium. Pour comprendre l’environnement, lire la signalétique et identifier les dangers, la voiture est bardée de capteurs. Aujourd’hui, les entreprises utilisent le lidar, qui est très cher, et des caméras. L’imagerie radar que souhaite développer GreenerWave via cette collaboration permettra de voir à travers les aléas météorologiques comme le brouillard. "Nous allons utiliser le pare choc pour augmenter l’ouverture du radar et bénéficier d’une résolution accrue. Nous rendons le radar intelligent" , décrypte le co-fondateur. Qui souligne également le potentiel d’industrialisation à grande échelle de cette solution et son coût, peu élevé.

Garder son indépendance

"Notre mission est de devenir un champion au niveau européen, sans se faire racheter ou s’adosser à de grands groupes" , précise Timothée Laurent. Même si la société entend bien nouer des partenariats pour co-développer des solutions. Elle travaille déjà avec AGC au Japon sur des solutions destinées aux très hautes fréquences. Un marché sur lequel le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis sont bien plus en pointe que l’Europe.

"Dans le domaine spatial, nous avons la volonté de nous faire financer pour développer rapidement le produit et atteindre une autonomie financière dans les 18 mois suivants" , ajoute t-il. Des partenariats seront également nécessaires pour s’attaquer à ce marché et répondre à des besoins très spécifiques.

Le contexte actuel de pénurie de semi-conducteurs et de pièces ne semblent pas entraver l’optimisme et l’ambition de la startup. "Nous avons beaucoup de composants en rupture de stock et nous devons passer par des brokers qui multiplient les prix par 10" , reconnaît Geoffroy Lerosey. Mais le fait que la société travaille encore sur de petits volumes et ne soit pas encore encore en phase d’industrialisation est plutôt de bon augure. "Cela ralentit l'activité et le prototypage" , sans pour autant geler son développement. "A terme, nous avons vocation à employer une centaine de personnes pour opérer ces trois verticales" , confie le CEO pour mieux souligner le potentiel économique et d’emploi du projet.