De la haute fonction publique à l’entrepreneuriat, Clara Gaymard a toujours été poussée par l’envie de " travailler pour quelque chose de plus grand qu’[elle] ". Diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris, elle devient attachée d’administration au cabinet du maire de Paris, à l’époque Jacques Chirac, entre 1982 et 1984.

" Cela m’a permis de connaître Chirac dans sa grande splendeur : un bon vivant, chaleureux… ", se souvient-elle. À seulement 22 ans, elle est alors encouragée par l’ancien président de la République à tenter le concours de l'École Nationale d'Administration (ENA). " Il m’a offert deux mois de congés payés pour préparer le concours. Je n’ai pas eu le choix de cravacher car pour moi, l’ENA était inaccessible, destinée aux génies. " D’autant plus lorsque l’on grandit au sein d’un cadre familial classique, à l’époque où les femmes ne travaillaient pas et élevaient uniquement leurs enfants. " Mais lorsque j’étais jeune, à l’image du film "Un homme qui me plaît", je voyais mon père - le professeur Jérôme Lejeune, scientifique de renommée mondiale pour sa co-découverte de la trisomie 21 - descendre de l’avion à Orly après l’un de ses voyages. Je trouvais ça passionnant et je voulais suivre une voie qui me permettrait de comprendre le monde ", raconte-t-elle.

A sa sortie de l’ENA, Clara Gaymard entre à la Cour des Comptes puis devient adjointe au chef des services d'expansion économique au Caire de 1991 à 1993. Elle y découvre une passion pour le monde des affaires et la négociation diplomatique et fonde sa famille avec son époux Hervé Gaymard. Elle devient ensuite chef du bureau de l'Union européenne à la direction des relations économiques extérieures (DREE) du ministère de l'Économie et des Finances avant de prendre le rôle de directrice de cabinet de Colette Codaccioni, ancienne ministre de la Solidarité entre les générations. Elle est ensuite sous-directrice de l'Appui aux PME et de l'Action régionale à la DREE, puis chef de la mission aux PME.

" À force de se faufiler, on finit par arriver en tête "

En 2002, Francis Mer, ancien ministre de l’Économie, lui refuse la direction des relations économiques extérieures. " J’avais 40 ans, j’étais mère de neuf enfants, mariée à un homme politique… Cela dépassait son entendement que je ne m’occupe pas à plein temps de mes enfants et que je veuille exprimer mon talent. " Après cet événement, Clara Gaymard choisit de lui prouver qu’il a tort. L’année suivante, elle est nommée ambassadrice déléguée aux investissements internationaux : " J’avais gagné son admiration ". Durant toute sa carrière, Clara Gaymard ne s’est pas posé la question du sexisme mais a toujours été " seule autour de la table. L’avantage, c’est que les gens se souviennent de moi ". Si elle estime ne pas avoir eu maintes opportunités, elle assure cependant les avoir toutes saisies. " Et à force de se faufiler, on finit par arriver en tête ", assure cette femme d’affaires pourtant très attachée à sa vie personnelle et familiale.

Sa carrière prend un nouveau tournant en 2006 lorsqu’elle devient présidente de General Electric France puis vice-présidente de General Electric international en 2009. Les Français la découvrent sur les plateaux télé, défendant bec et ongles le rachat d’Alstom et le potentiel de l’Hexagone à l’international. " Il existe différentes formes de patriotisme économique. Pour moi, parvenir à rendre la France attractive et passer de 10.000 à 15.000 personnes chez GE France a été un succès. " En 2016, cette aventure prend fin notamment car " j’avais envie d’être dans le monde de demain, celui des entrepreneurs. C’était pour moi la fin d’une époque et le début d’une autre était alors possible ". À ce moment-là, Clara Gaymard rencontre Gonzague de Blignières et l’ère de Raise débute.

Une finance généreuse

Complémentaires, les deux entrepreneurs fondent Raise, société d’investissement et fonds de dotation propice à la " finance philanthropique ", pour " montrer que l’on peut faire de la finance autrement, de façon bienveillante ". Aussi bienveillante que ces deux fondateurs. " Gonzague est très créatif et a une expérience plus enracinée que la mienne. Il a le goût du partage et il est important pour nous que la joie règne au travail ", décrit Clara Gaymard. Et Gonzague de Blignières de lui rendre la pareille : " Clara est quelqu’un attaché à tout et détaché de tout. Elle s’attache aux gens sans prendre en compte ce qu’ils représentent". Elle-même se décrit comme une inspiratrice, une personne calme et rêveuse. Raise était un rêve issu d’une inspiration commune : aider les jeunes à créer de l’emploi. Raise investit dans tous les domaines, mais particulièrement dans le secteur de la transition écologique pour Raise impact. " Nous n’avons pas un rôle de financier pur, nous accompagnons les entrepreneurs pendant longtemps dans les bons et les mauvais moments, nous comprenons ce qui les anime, nous les aidons à grandir. "

Clara Gaymard et son associé ne sont pas prêts de s’arrêter. Ils viennent de créer le domaine La plume, un lieu de permaculture au sein du Parc naturel régional des Préalpes d’Azur, qui permet aux entrepreneurs et aux investisseurs de se rencontrer et d’échanger. Le binôme envisage également de créer un nouveau fonds. " Nous avons démontré qu’il y a un modèle dans la finance qui fonctionne sur la base de la générosité et qui est pérenne. " : Phiture.