Son œil d’un bleu azur pétille, la répartie et l’humour accompagnent presque chacune de ses phrases. A 62 ans, Corinne Lejbowicz n’a rien d’une préretraitée lasse de son activité. Dynamique et avide de nouveaux défis, elle a repris la présidence du moteur de recherche Qwant à l’été 2021.

“Challengeante” aux dires des équipes, elle avait pourtant envisagé de lever le pied après des années à œuvrer dans l’opérationnel, sans succès : " Chaque fois que je dis ça, ça ne marche pas ! ", sourit-elle. Décidée à se consacrer à des rôles d’administratrice depuis 2018, elle a commencé cette nouvelle carrière chez le spécialiste du commerce en ligne Lengow. Très vite, Agriconomie, site e-commerce spécialisé dans la vente d'engrais, de semences et de matériel agricole fait de même tout comme la plateforme de location de salles et des services associés à destination des professionnels, Bird Office. Elle rejoint aussi Troov qui fait de la gestion d’objets trouvés et perdus. Cette appétence pour les startups lui vient de loin, elle qui a d’abord fait ses preuves dans de grands groupes.

Se laisser porter par les rencontres

Après l’obtention de son diplôme à l’ESCP Europe et Sciences Po Paris, Corinne Lejbowicz n’avait pas décidé de l’orientation que prendrait sa carrière. " Ces études ont l’avantage d’être généraliste. Je ne suis pas quelqu’un qui prépare l’avenir, je le croise et j’essaie de m’y insérer au mieux ". Au sein d’une agence de communication, elle est chargée de créer " ce qui ressemblait à un extranet avant l’heure avec un outil rapide et électronique ". Au risque de passer pour un dinosaure du digital, elle se rappelle avoir répondu avec une solution reposant sur un minitel. " Je me souviens avoir pensé : Bon sang mais c’est bien sûr ! C’est l’avenir, ça va changer les choses vers une communication plus facile et un accès sécurisé à tout ! ". Nous sommes au début des années 80.

À la recherche de projets dans ce secteur, elle trouve Infonie portée par Bruno Bonnel, aujourd’hui député chargé de piloter le plan d’investissement France 2030. " Il avait cette vision d’un fournisseur d’accès à internet. À l’époque, nous avons travaillé sur le premier concept en la matière, une startup qui n’en avait pas encore le nom ".

Après quelques années, elle bifurque chez Vivendi et lance, en 1996, le premier fournisseur d’accès internet haut débit. Les premières fois, Corinne Lejbowicz les a cumulées notamment en rejoignant l’équipe d’AOL pour passer à l’échelle européenne, en lançant cette fois le premier portail mobile, premier projet ADSL français.

Au cœur des startups

Impatiente de nature, elle délaisse les grands groupes qui ne lui laissent pas les cartes en main et où le processus décisionnel lui semble trop long. Les startups répondent au modèle qui lui convient. Avec leguide.com, entre 2005 et 2012, elle transforme une jeune pousse de 20 personnes en “fusée” avec des bureaux à Paris, Berlin et Munich et près de 200 collaborateurs. " J’en garde des souvenirs extraordinaires, il fallait inventer l’avenir, gagner en rentabilité, être côté en bourse, recruter et se battre contre l’un des GAFA. D’ailleurs, le jour où nous sommes passés devant lui, nous avons ouvert le champagne ! ".

Après un peu de repos, elle se laisse séduire par Minute Buzz avant de répondre à un ancien stagiaire qui a donné naissance à Prestashop. Sa mission de développement international accomplie en 2018, elle décide de repenser sa carrière en tant que board member. Même si les startups gardent sa préférence, l’administratrice s’assoit aussi à la table du conseil d’administration de la Poste et de la FDJ qui ne disposent pas forcément d’un profil capable de cocher toutes les cases comme Corinne Lejbowicz peut le faire. Si la soixantenaire ne se sent pas utile, elle n’hésite pas à refuser les propositions : " Je ne suis pas seulement là pour atteindre les 40% de femmes dans les conseils d’administrations ".

L’aventure Qwant

Chez Qwant, elle trouve des valeurs communes et un nouveau défi dans un secteur qui la fascine. " Le search, c’est une porte d’entrée sur internet qui donne accès à tout, c’est magique ! ". Mais une magie qu’elle veut blanche. " Notre rôle est de faire prendre conscience aux gens qu’ils peuvent faire des recherches en ligne sans être surveillés, ciblés, bref, en étant libres ! ". À nouveau confrontée à l’un des piliers des GAFA, elle refuse l’approche frontale, préférant rivaliser avec des outils comme la Qwant Maps ou le service de traduction Deepl. " Nous avons lancé une extension qui indique le nombre de trackers et cookies publicitaires bloqués. Il y a de quoi être effaré. La spécificité de Qwant, le respect de la vie privée ".

Décidée à s’impliquer pour le plus grand nombre, elle passe le peu de temps libre restant à sa disposition à agir au sein de l’association ARES, dont la vocation est de favoriser le retour à l’emploi de personnes en situation d’exclusion. Elle reste définitivement tournée vers l’avenir.