Investir n’était pas la priorité d’Eric La Bonnardière, le fondateur d’Evaneos. Finalement, l’entrepreneur a fait le choix d’investir uniquement dans les entreprises de ses proches : "J’ai investi pour la première fois dans la startup de mon premier stagiaire car j’avais envie de lui faire confiance", raconte-t-il. Pour lui, "ce qui fait la qualité de l’entreprise, c’est le dirigeant plus que le projet". Eric La Bonnardière en est désormais à son quatrième investissement, et toujours dans l’entreprise d’un proche.

La love money, une tendance en accélération

“Love Money” : dispositif né outre-Atlantique dans les années 1960. "Depuis, le nombre de création d’entreprises s’est multiplié par quatre. Avant la love money seules 20.000 sociétés voyaient le jour chaque mois en France, contre 80.000 aujourd’hui", explique Guillaume Cairou, fondateur de Didaxis et président de la Chambre de commerce et d’industrie des Yvelines. Et selon les prévisions, "le nombre de création d’entreprises devrait encore se multiplier par deux car un quart des actifs devraient exercer sous un statut d’indépendant ou d’entrepreneur d’ici dix ans". La Love Money devrait également suivre cette tendance à la hausse car "la moyenne d’âge des entrepreneurs est plus jeune - environ 36 ans. Ils possèdent ainsi moins d’épargne et ont plus “d’amis” grâce aux réseaux sociaux". Accompagner financièrement un proche dans le lancement de son entreprise est donc on ne peut plus d’actualité et encouragé. Et ce malgré les crises - transition climatique, transition des territoires - qui sont souvent annonciatrices des meilleures opportunités : "Il s’agit de périodes charnières où les secteurs d’activité peuvent être réinventés".

Tous les feux sont donc au vert pour profiter des nombreux avantages de la Love Money. L’investisseur peut par exemple bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu allant jusqu’à 25 % en entrant au capital d’une PME ou bien choisir de réaliser son investissement via un PEA ou un PEA-PME. Le retour sur investissement peut également être intéressant sur la durée et les investisseurs peuvent jouir de l’effet levier et multiplier leur mise par dix selon le secteur d’activité. "Le faible niveau du ticket d’entrée - 8.000 euros en moyenne - oblige le porteur de projet à rassembler une dizaine de petits actionnaires ce qui réduit les risques pour l’entrepreneur", ajoute Guillaume Cairou.

La relation amicale voire familiale qui peut unir un investisseur et un entrepreneur est aussi un avantage selon Eric La Bonnardière. "Les discussions stratégiques peuvent se faire de façon plus directe avec un proche qu’avec quelqu’un qu’on connaît moins bien". Le Love money joue d’ailleurs un rôle majeur car "l’argent qui a le plus de valeur pour un entrepreneur est celui qui a un lien émotionnel. Et parfois, faire appel à ses proches est le seul moyen de débuter et d’aller lever de l’argent".

Trois façons d’investir

Et ce n’est pas Eric Birotheau, directeur de l'ingénierie patrimoniale au sein de la Banque Richelieu, qui dira le contraire : "Même si l’impact est plus fort si le soutien vient d’investisseurs extérieurs ou institutionnels, c’est toujours positif d’avoir réussi à convaincre des personnes du sérieux du projet". Mais alors, quelle est la meilleure manière d’aider un proche, un ami, un enfant dans la création de son entreprise ? Il existe en réalité trois possibilités et celles-ci dépendent des objectifs de l’entrepreneur et de ses proches.

La donation : "Il s’agit là d’une démarche totalement désintéressée. L’entrepreneur a alors une autonomie totale sur les fonds et aucune relation professionnelle ne se crée entre lui et ses proches", explique Eric Birotheau.
Le prêt familial : "Le risque est un peu plus important car l’entrepreneur devra rembourser le prêt. Ce prêt familial peut éventuellement se transformer en donation si les parents acceptent finalement de ne jamais être remboursés".
L’entrée au capital : "Les proches deviennent alors actionnaires et les relations s’inscrivent dans la durée".

Avoir conscience des risques

Cette dernière option est la plus risquée. Car bien sûr, lorsqu’on décide d’investir dans l’entreprise de l’un de ses proches, il est absolument nécessaire d’avoir conscience "que l’on peut perdre l’argent investi sans jamais avoir de retour financier", prévient Eric La Bonnardière. Et Eric Birotheau d’ajouter : "Il est primordial d’encadrer le rôle que vont avoir les parents ou les proches investisseurs dans l’entreprise. La communication doit donc être optimale. Il faut également veiller à bien rédiger les documents juridiques, tels que les statuts ou les pactes d’associés. Sinon, l’entrepreneur peut prendre le risque de perdre en autonomie et cela peut engendrer des dissensions".

Avant d’investir, les proches peuvent être conseillés par "un banquier, un avocat, ou encore des investisseurs qui ont déjà vécu l’expérience". Eric La Bonnardière, lui, conseille en priorité d’avoir confiance en l’éthique et la transparence du porteur de projet. "Pour que ça marche, il ne faut pas que cet investissement crée une pression entre l’investisseur et l’entrepreneur. Les enjeux pour chacun doivent être suffisamment limités pour que cela ne soit pas le sujet de discussion numéro 1 entre deux amis ou deux membres d’une même famille. Enfin, il faut être vigilant sur le fait de ne jamais devoir se sentir redevable".

Une fois tous ces risques pris en compte, toutes les conditions sont réunies. Guillaume Cairou l’assure, "la plupart des licornes ont un pool d’investisseurs lié aux proches, à la famille et aux amis". N’hésitez donc plus à investir dans l’entreprise de votre proche, il s’agit peut-être de la prochaine licorne française !