Le recrutement s’avère être un véritable parcours du combattant pour les startups. Souvent peu formés à ce métier, les fondateurs peinent à avoir une vision à long terme de leur organigramme, et vont souvent favoriser une approche réactive. C’est pourtant un enjeu capital pour assurer aux startups, croissance et pérennité. Si aucun schéma n’est idéal ou parfait, certains comportements peuvent être identifiés comme des facteurs clés de succès. Parmi ces facteurs, le recrutement des profils au bon moment du développement de l’entreprise prend une place considérable.

Seed : Un recruteur et une équipe aux compétences complémentaires

Mon premier conseil ? Vos premiers recrutements sont directement liés à la typologie de votre entreprise : là où une startup SaaS va se concentrer sur le produit, une marketplace se concentrera davantage sur l'acquisition de la "supply" (fournisseurs) d’une part, de la "demand" (clients) d’autre part et du matching entre les deux… Par ailleurs, ce qui est essentiel au démarrage, c'est de s’entourer des compétences différentes de celles des cofondateurs. Si l’équipe est plutôt Tech et Produit, allez chercher un profil Marketing ou Product Marketing qui ira à la rencontre des prospects et clients pour affiner le "product market fit" . Enfin, recrutez des équipes opérationnelles qui veulent faire (et pas seulement faire faire) car dans les premiers moments, c’est la qualité et la vitesse d’exécution qui font la différence.

Pour vous accompagner dans ces recrutements, un recruteur est indispensable ! Vous économiserez ainsi les coûts d’un chasseur de tête et pourrez construire les bases de votre marque employeur. Pour se faire, deux choix s’offrent à vous : embaucher un Talent Acquisition Manager, si vous pensez structurellement recruter plus de 10 personnes par an, ou faire appel à du recrutement externalisé (RPO) si vous n’atteignez pas le volume critique. Cette dernière option vous permettra, a minima, d’installer les premières briques du recrutement en attendant votre prochaine levée.

Series A : Focalisez sur les C-Level et les VPs 

Juste avant ou juste après la série A passée, il devient primordial de s’attarder sur le recrutement des rôles de C-Level. Par exemple, si jusqu’ici la partie finance avait dû être externalisée avec un consultant venant un ou deux jours par semaine, il est désormais temps de recruter un Chief Finance Officer. Ce dernier devra être expérimenté pour accompagner l'entreprise dans ses levées de fonds.

C’est aussi le moment où la culture d’entreprise doit s’affirmer par le biais du recrutement d’un Chief Human Resources Officer pour venir supporter le travail réalisé jusqu’ici par l’Office Manager et le Talent Acquisition Manager. Cette équipe sera notamment chargée de travailler autour des sujets de fidélisation des employés et de recrutement, mais elle pourra également venir encadrer le moment critique de la première vague de départs.

Pour continuer à assurer la croissance de la startup jusqu’à sa Série B, il est nécessaire de recruter des VPs expérimentés, experts de leur secteur, à qui les fondateurs doivent alors passer la main. Cette étape, qui est cruciale pour permettre à l'entreprise de grandir et de changer d’échelle, n’en est pas moins difficile. Pour réussir au mieux cette étape de passation, mon conseil est d’organiser un séminaire une fois par trimestre durant lequel chaque VP doit progressivement devenir le/la responsable de son sujet. Il faut que les fondateurs donnent aux VP un maximum de contexte, définissent les grands objectifs, mais il faut surtout qu’ils leur donnent l’opportunité d’apporter leur expérience et leur expertise. On renverse le management dit "top-down" pour un management appelé "bottom-up".

Série B : Modification structurelle du rôle de CEO et internationalisation 

La série B marque un tournant, celui où le CEO doit embrasser son rôle de CEO : donner la vision de l’entreprise, manager et gérer la relation avec l’externe. Vient alors la question compliquée mais néanmoins cruciale : "est-ce que le CEO actuel est encore la bonne personne pour prendre ce nouveau rôle ? " Dans la plupart des cas, le CEO fondateur grandit avec l’entreprise et prend ce tournant avec elle. Cependant, lorsque ce n’est pas le cas, le comité de direction et le fondateur doivent prendre la décision de faire appel à un nouveau CEO pour le bien du développement de la startup. Cette décision peut définir l’avenir de l’entreprise et, lorsqu’elle se fait trop attendre, peut ralentir de manière considérable sa croissance et son développement.

La série B, c’est également pour beaucoup de startups le moment de l’internationalisation et, donc de bascule dans une organisation matricielle. Lorsque plusieurs équipes sont réparties dans différents pays, il devient nécessaire de recruter son Chief Revenue Officer qui va venir manager toute la partie internationale. Il sera chargé de faire le lien entre les équipes centrales (par exemple le marketing) et les équipes locales (sales, customer success...). De plus, l’internationalisation peut provoquer une crise de culture de l’entreprise, c’est là où le rôle de la communication interne et d’un Culture Manager peut se faire sentir. Mon conseil, c’est d’ailleurs de ne pas attendre l’arrivée d’un Culture Manager pour implanter son ADN international, mais de le faire dès la création de l’entreprise. Cela passe notamment par le recrutement de profils divers venant de différents horizons, mais aussi par le fait de mettre l’ensemble de ses documents, de son code... en anglais dès la création de l’entreprise, afin de créer cette habitude chez les collaborateurs.

S'appuyer sur son écosystème pour prendre du recul 

Si ces étapes donnent quelques indications et peuvent aider, dans de nombreuses situations, les RH et le recrutement ne sont pas des sciences exactes. Pour vous rassurer, n’hésitez pas à vous reposer sur votre écosystème. Par exemple, des VCs, des coachs, ou même simplement des entrepreneurs plus expérimentés. Ils peuvent vous aider à prendre du recul quand il peut être difficile, à la création de sa première entreprise, de se projeter dans une organisation prévisionnelle à 12 ou 18 mois. Un vrai coup de pouce pour passer d’une approche réactive à une approche proactive et reprendre ainsi le contrôle de leur recrutement.

Emilie Benayad, HR Operating Director chez Serena