20 juillet 2021
20 juillet 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Le télétravail post-crise va-t-il créer de nouvelles oasis entrepreneuriales ?

Avec l'essor du télétravail et la hausse des prix de l'immobilier dans les grandes villes, les zones rurales profitent d'un afflux de télétravailleurs mais aussi d'entrepreneurs.
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Après le Village préféré des Français, verra t-on bientôt fleurir sur nos écrans le Village préféré des entrepreneur·se·s ? Tout est possible dans un monde post-crise. Échaudés par des confinements éprouvants, de plus en plus de salarié·e·s de startups mais aussi de créateurs et créatrices d'entreprise font le choix de déménager loin des grandes villes. Exit klaxons et pigeons, bonjour veaux, vaches et cochons !

Le baromètre de l'emploi réalisé par LinkedIn atteste d'une certaine bougeotte des (télé)travailleurs : les changements de villes déclarés sur le réseau social professionnel ont grimpé de 126% en septembre 2020 par rapport à la période pré-crise ; depuis le début de l'année, la tendance s'est calmée mais reste supérieure de 38% à celle de 2019. " Nous notons une tendance à la hausse en matière de sociétés – tous secteurs – qui font le choix de déménager leurs bureaux en région ", confirme aussi Guillaume Pellegrin, dirigeant fondateur de Newton Offices, qui propose des espaces de travail clé-en-main.

Et la capitale est la première à faire les frais de ce qui semble être le début d'un exode urbain. Avec une chute de 17,6% du nombre de salariés se revendiquant installés à Paris, la capitale est la ville tricolore dont l'attractivité a le plus pâti des confinements. " Il y a une volonté de sortir d'une certaine concentration urbaine, notamment parisienne, note Mehdi Dziri, directeur général d'Ubiq, qui propose des bureaux en location aux entreprises. Le collaborateur travaille n'importe où, surtout s'il s'agit d'un cadre. Il faut donc, pour les entreprises, proposer des solutions alternatives, comme le télétravail. " Profitant de l'essor du télétravail, de nombreux salariés et nombreuses salariées d'entreprises technologiques ont préféré la verdure au béton parisien.

Une demande pas encore satisfaite

Certaines villes, notamment les plus au Sud ont gagné des travailleur·se·s : +8,2% pour Marseille, +7,8% pour Montpellier, selon le même baromètre réalisé par LinkedIn. Mais les grandes gagnantes pourraient bien être les villes moyennes voire les régions rurales. Ainsi, Ubiq a vu la part des entreprises cherchant des locaux hors Île-de-France et grandes villes être multipliée par près de trois en deux ans : de 6% en 2019, elle est aujourd'hui de 16% en moyenne, avec des pics proches de 20% certains mois. " La crise a profité aux villes moyennes, qui apportent une qualité de vie supérieure pour un coût inférieur ", atteste Éric Larchevêque, co-fondateur de Ledger. Habitant de Vierzon après avoir été Parisien, l'entrepreneur a vu affluer les talents ces derniers mois dans la ville dans laquelle il a fait le choix il y a quelques années de relocaliser la production de ses wallets pour cryptomonnaies.

Pourtant, comme l'a constaté David Laup lorsqu'il est arrivé en région Centre-Val-de-Loire, les offres de bureaux adaptés aux activités de services ne sont pas encore légion en-dehors des centres-villes... Cet entrepreneur, fondateur d'un cabinet de conseil initialement basé à Paris, a souhaité rapatrier famille, entreprise et salariés entre Blois et Orléans. Las, les sites industriels repérés ne répondaient pas à son cahier des charges : trop vastes et trop vétustes pour certains. En sondant des entrepreneurs locaux, il a constaté qu'il existait un marché pour une offre de coworking couplée à une activité de conseil afin de permettre aux entreprises qui le souhaitent - mais aussi aux freelances - de trouver des locaux adaptés à leurs besoins dans une région où peu de grandes enseignes de la location de bureaux souhaitent se lancer. En effet, comme le précise Mehdi Dziri, les plateformes comme Ubiq se concentrent " là où il y a une certaine densité ". Difficile d'imaginer des Spaces ou WeWork en pleine campagne.

C'est pourtant ce qu'a fait David Laup en ouvrant en décembre l'espace de coworking Beehive Factory à Baule, village du Loiret d'un peu plus de 1700 habitants. Avec un taux d'occupation qui dépasse déjà les 75% et une dizaine de dossiers en attente, le pari est gagné.

" Dans une commune aussi petite, on voit tout de suite l'impact de notre travail. Il y a une vraie logique d'écosystème, de création de liens entre entrepreneurs. Nous aidons des entrepreneurs déjà installés mais nous accompagnons aussi l'installation de nouveaux services, comme un coiffeur ou un barbier. Nous avons un impact social. "

David Laup, fondateur de Beehive Factory

La hausse des prix de l'immobilier dans les grandes villes pourrait bien pousser de plus en plus de télétravailleur·se·s à préférer la ruralité. Et alimenter ainsi la demande d'espaces adaptés - mais aussi l'offre, comme en témoigne l'expérience de David Laup. Ironie de l'aménagement du territoire, les zones rurales sont paradoxalement confrontées au même problème que certaines banlieues, où les télétravailleur·se·s doivent se déplacer de plusieurs dizaines de kilomètres pour trouver un espace de coworking.

Mehdi Dziri estime d'ailleurs que le " modèle de maillage " des espaces de coworking doit à terme permettre aux travailleurs de trouver un espace " en bas de chez eux ". " Il y aura des modèles de bureaux à créer et à intégrer dans l'écosystème. C'est une réflexion qui ne se fait pas à l'échelle d'une ville mais d'une zone économique, d'une région. " Et pourrait bien permettre de voir émerger de nouvelles oasis entrepreneuriales dans des zones où la startup nation est pour l'instant loin d'avoir fait son nid.