L’année dernière aura été particulièrement ardue pour le monde de la crypto. La faillite de la plateforme américaine FTX, qui a périclité en l’espace de quelques jours en novembre, a définitivement fait sombrer les cours des cryptomonnaies, le bitcoin chutant de 75 % depuis son record un an plus tôt. Et l’effet domino de cette faillite “n’est probablement pas arrivé à son terme”, souligne KPMG, auteur d’un rapport sur les “Perspectives Cryptos” dévoilé en janvier.

Le cabinet d’audit et de conseil explore les évolutions qui pourraient survenir en 2023 sur la planète crypto. Il constate tout d’abord que les protocoles informatiques Bitcoin et Ethereum confirment leur position de leaders, “l’un en tant que monnaie neutre et alternative”, décentralisée et non contrôlée par un Etat, l’autre en tant que blockchain programmable de référence, sur laquelle plus de 600 applications ont déjà été développées.

Et cette tendance devrait encore se renforcer cette année. Bitcoin pourrait profiter d’une instabilité géopolitique persistante et des difficultés économiques de plusieurs Etats : "C’est dans des pays en crise, tels que l’Ukraine ou le Liban, que Bitcoin démontre principalement sa proposition de valeur", estime Stanislas Barthelemi, consultant chez KPMG. De nombreux Libanais se sont tournés vers les cryptomonnaies quand des banques ont empêché leurs clients de retirer leurs fonds. Les monnaies cryptographiques, sans frontières et difficiles à censurer, ont permis de transférer rapidement jusqu’à 100 millions de dollars de dons vers l’Ukraine au début de la guerre avec la Russie.

Bitcoin, concurrent des monnaies et systèmes de paiement traditionnels

Bitcoin pourrait en outre bénéficier de la concurrence croissante entre les monnaies, illustrée par la volonté de l’Arabie Saoudite d’accepter le yuan pour le commerce de pétrole, à côté du dollar. La cryptomonnaie : "pourrait voir sa place grandir à l’échelle internationale, en tant que moyen de paiement transfrontalier et comme monnaie neutre et inaliénable", assure KPMG.

Enfin, la blockchain Bitcoin devrait voir l’innovation technologique se poursuivre sur son infrastructure, avec l’arrivée potentiel de stablecoins sur son réseau, ces cryptomonnaies au cours relativement stable, qui répliquent le cours d’une devise, comme le dollar. Ces stablecoins, associés au Lightning Network, une technologie permettant de réaliser rapidement et à grande échelle des transactions sur le réseau Bitcoin, pourraient venir concurrencer les systèmes de paiement traditionnels.

La finance décentralisée en pleine essor sur Ethereum

Ethereum, de son côté, demeure la blockchain référence pour de nouveaux projets crypto et devrait encore attirer de nouvelles entreprises. Ses concurrents potentiels peinent à émerger. Certains ont rencontré d’importantes difficultés l’an passé, à l’image des multiples arrêts de service enregistrés par la blockchain Solana. La réussite de blockchains alternatives est donc “improbable” selon KPMG, face au niveau d’adoption du réseau Ethereum.

C’est notamment sur cette blockchain que se développe la finance décentralisée (DeFi). La DeFi regroupe tout un tas d’applications, permettant par exemple de faire fructifier son capital crypto ou des prêts de crypto-actifs entre particuliers sans passer par un intermédiaire comme une banque. En plein essor, la DeFi représente l’une des principales tendances à suivre en 2023. Encore loin des radars des régulateurs, elle foisonne sans que les acteurs institutionnels puissent véritablement s’en emparer.

L’Union européenne doit s’atteler à un nouveau texte sur la DeFi, après avoir adopté le règlement MiCA qui encadre les acteurs offrant des services autour des crypto-actifs. Cette nouvelle finance décentralisée présente encore “de nombreux axes d’amélioration”, notamment en matière de cybersécurité, pointe KPMG.

Les NFTs et le métavers ne sont pas morts

Autre tendance majeure à suivre cette année : les NFTs ainsi que les métavers. "Victimes d’une surmédiatisation en 2022", selon le cabinet de conseil, ils restent "un vecteur d’innovation qui attire les entreprises dans différentes industries".

Les jetons non fongibles (NFTs) ont pris une ampleur disproportionnée au premier semestre 2022, avant de connaître une baisse de 90 % de leur volume d’échanges. Mais le nombre d’utilisateurs, lui, a continué de croître, notamment via la plateforme Opensea, leader du secteur.

Au-delà des coups médiatiques, la licorne française Sorare, spécialisée dans des cartes NFTs à l’effigie de sportifs, illustre le succès que peuvent rencontrer ces jetons numériques. Dans le secteur du gaming et du luxe, notamment, des entreprises continuent de se positionner et de développer une réflexion stratégique autour de l’utilisation des NFTs.

Quant aux métavers, ils ont suscité un fort intérêt des entreprises l’année dernière, mais leur valeur ajoutée semble parfois "floue et mal comprise", relève Stanislas Barthelemi. "Beaucoup ont un noyau technologique ne reposant in fine que sur la réalité virtuelle", sans s’approprier les outils offerts par la blockchain, comme la notion de propriété numérique.

L’émergence d’un modèle d’affaires durable dans le métavers prendra du temps. La gamification de l’expérience utilisateur semble notamment prometteuse. La possession d’un terrain virtuel au sein d’un métavers doit permettre aux marques de créer un nouveau canal "pour enrichir et personnaliser la relation client", explique KPMG. À court terme, les métavers peinent néanmoins à attirer durablement les foules.