Hugo Sallé de Chou et Constantin Wolfrom semblaient avoir toutes les cartes en main pour pouvoir raconter l’une des belles réussites de l’écosystème fintech. Tout allait pourtant changer en 2020.

De la création de Pumpkin au rachat

Hugo Sallé de Chou et Constantin Wolfrom se sont rencontrés sur les bancs de l’EDHEC, où ils suivaient tous les deux un master en entrepreneuriat. Pumpkin ne débute donc pas d’une grande vision pour l’avenir de la banque, mais d’un projet scolaire qu’ils se voient imposer.

Les deux garçons cherchent dans leurs courtes expériences passées, des idées pour cet exercice. Hugo Sallé de Chou avait récemment fait un stage aux États-Unis chez Dailymotion. Il y avait découvert le paiement mobile via l’application Venmo. " Cela avait bouleversé mon quotidien là-bas et j’avais été frustré de ne pas pouvoir utiliser le service en France. Je me suis dit que, quitte à monter une boîte pour ce cours, autant travailler sur ce sujet.". Constantin Wolfrom est séduit par l’idée et le rejoint, tout comme un peu plus tard Victor Lennel, un étudiant de SUPINFO qui deviendra le troisième cofondateur et le CTO de Pumpkin.

De l’aveu d’Hugo Sallé de Chou, l’existence de Pumpkin tient à peu de choses. S’ils avaient mieux cherché, ils auraient découvert qu’une startup française était déjà en train de construire le “Venmo français”. En effet, nous sommes en 2014 et Lydia a déjà deux années d’existence.

" On ne les a pas vus tout de suite, confesse-t-il. On les a découverts un peu plus tard et c’est tant mieux… on aurait peut-être abandonné le projet sinon. Quand on les a vus, on était déjà investi dans ce projet.". Les débuts ne sont pourtant pas simples. Ils commencent avec peu de moyens et sans modèle économique, mais avec une belle traction organique et une rétention forte. Grâce à cela, ils lèvent 600.000 euros en 2015.

Pour générer son premier chiffre d’affaires, la startup propose alors un service pour les associations des campus étudiants permettant d’encaisser les cotisations de ses membres ainsi que la participation aux frais de voyages ou d’activités. " C’était notre moyen pour rentrer sur les campus, explique Hugo Sallé de Chou. Cela nous permettait d’atteindre notre cible : les étudiants. À la fin on avait plus de 2.000 associations clientes sur 400 campus en France.".

En regardant l’usage qui est fait de l’application, ils voient pourtant l’opportunité de se positionner comme une néobanque pour les 18-30 ans. Cette nouvelle stratégie leur permet de boucler une levée plus importante pour développer cette vision : 2 millions d’euros auprès de Kima Ventures, Jacques-Antoine Granjon et Damien Guermonprez, parmi d’autres.

La startup poursuit son développement jusqu’en 2017, où les fondateurs cherchent à boucler un nouveau tour de table. En parallèle, Pumpkin est approché par plusieurs acteurs bancaires, intéressés par une acquisition. Parmi eux, Crédit Mutuel Arkéa avec qui ils décident d’avancer. Le montant de la transaction ne sera pas divulgué, mais la banque s’engage à investir plus de 15 millions d’euros pour financer le développement de cette banque pour les jeunes.

" Pourquoi revendre ? Nous avions ces multiples discussions à cette période et cela nous a aidés à nous convaincre qu’il y avait un momentum, explique Hugo Sallé de Chou. Soit on la prenait, soit on la laissait passer. Mais nous étions maintenant face à des acteurs comme Revolut ou N26 qui avaient levé bien plus que nous. Donc si on continuait, c’était à nos risques et périls. On a préféré pérenniser l’activité Et puis, Arkea avait bien compris notre vision et la partageait. Ils offraient de nous soutenir dans un environnement devenu très concurrentiel et complexe.".

De l’intégration à la désintégration

La lune de miel entre Pumpkin et Crédit Mutuel Arkéa a duré trois ans. " Toutes les promesses faites au moment de l’acquisition ont été respectées des deux côtés, partage Constantin Wolfrom. Nous tenions nos objectifs et Arkea nous aidait à nous développer.".

Année après année, Pumpkin délivre la vision qu’ils avaient vendue, tenant leur objectif jusqu’au bout. Plusieurs événements viennent pourtant bousculer l’idylle pendant l’année 2020. La pandémie en est évidemment un, mais ce n’est pas le seul. En effet, la COVID a bousculé les plans de Pumpkin dont l’acquisition reposait en grande partie sur les campus qui sont globalement restés fermés pendant 18 mois. De plus, après plus de onze années de bons et loyaux services, Ronan Le Moal quitte ses fonctions de directeur général du Crédit Mutuel Arkéa en février 2020.

Il était connu pour être un soutien de l’écosystème startup et avait porté toute la stratégie fintech du groupe. L’acquisition de Pumpkin avait ainsi été réalisée sous l’impulsion de sa stratégie. Et, comme cela arrive souvent dans ces cas-là, de nombreux membres de son entourage partent en même temps pour faire de la place à l’arrivée d’une nouvelle DG et de ses équipes.

Décembre 2021, Constantin Wolfrom et Hugo Sallé de Chou présentent leur nouveau plan stratégique au comité exécutif, avec un besoin d’investissement sur quatre ans pour atteindre le seuil de rentabilité.
Hugo se rappelle de manière vivide les détails de cette journée : " En six mois, tous nos soutiens au COMEX étaient partis. De plus, le vent avait tourné et les fintechs n’étaient plus centrales dans la stratégie du groupe. Ils avaient leurs propres préoccupations avec la gestion de la pandémie, et s’ils avaient les moyens de réinvestir pour tenter d’aller chercher le break even, ils ont jugé que le business plan était trop risqué.". Cette réalisation signe la fin de l’aventure Pumpkin.

La startup avait de plus construit sa néobanque sur l’une des filiales du groupe. Ils étaient complètement intégrés et dépendants, une revente semblait impossible. Les deux entrepreneurs semblent pourtant vivre ce revirement avec philosophie : " La stratégie d'Arkea avait évolué, constate Constantin Wolfrom. Et nous n'en faisions plus partie intégrante. Une nouvelle équipe est arrivée, avec une nouvelle stratégie et un nouveau plan de développement, c'est finalement assez classique.". Il n’y a pourtant pas de ressentiment pour les deux entrepreneurs qui comprennent la position de la nouvelle direction.

" Avec Constantin, après avoir pris conscience que nos visions n'étaient plus alignées, explique Hugo Sallé de Chou. Que nous n'avions plus la même ambition et les mêmes envies pour Pumpkin. Nous avons choisi de formaliser cette divergence en démissionnant. En tant qu'entrepreneurs, nous savons que nous pouvons consacrer une énergie infinie et nous battre pour défendre notre vision, mais nous nous sommes sentis incapables de déployer cette même énergie pour un projet qui ne correspondait plus à nos aspirations. Nous avons donc décidé que nous n'étions plus les personnes les mieux adaptées pour diriger Pumpkin.".

Le groupe Arkea a ensuite cherché des solutions en interne pour sauver les actifs de Pumpkin mais va prendre la décision de fermer l’entreprise quelques mois plus tard.

À partir de là, la startup commence son lent chemin vers la fermeture, avec une première vague de départ, un plan de sauvegarde de l’emploi, et un plan de rétention pour conserver suffisamment de collaborateurs pour gérer la fin de l’histoire. Hugo Sallé de Chou et Constantin Wolfrom n’étaient plus là pour le voir, mais les équipes restantes ont passé les mois suivants à informer les clients de Pumpkin et organiser la récupération de leurs fonds. Après l’excitation de la croissance, les équipes célébraient des jalons beaucoup moins festifs : leur principal indicateur étant le nombre de comptes clôturés chaque semaine.

" C'est sûr que je suis déçu, ajoute tout de même Constantin. Il y a une forme de gâchis. Avec Pumpkin nous avions créé un écosystème puissant sur une cible jeune. Notre offre était pertinente et répondait à un vrai besoin. C'est le jeu, nous aurions dû être encore meilleurs dans l'exécution. C'est la vie d'une entreprise, cette question de vision, d'exécution, de relation actionnaire et entrepreneur. Charge à nous d'être meilleurs sur les prochaines entreprises que l'on créera.".