"SVB, c’était vraiment la banque de la tech" rappelle Laurence Ruiz, co-fondatrice et associée du cabinet comptable Orbiss, basé à New-York et spécialisé dans l’accompagnement des entreprises qui s’implantent aux Etats-Unis. “Pour être client, il fallait appartenir au monde de la tech et de préférence avoir levé des fonds. Ils proposaient tous les produits dont une startup avait besoin, avec des équipes spécialisées sur leurs problématiques”.

Des banques parfaites pour les startups étrangères

C’était aussi le cas de Signature Bank, une banque new-yorkaise plus petite, mais tout aussi proche des entrepreneurs. Cette banque, par ailleurs très engagée dans l’univers des cryptomonnaies, a fait faillite dans la foulée de SVB, avant d’être rachetée quelques jours plus tard par Flagstar Bank. “La faillite de Signature Bank nous a impactés encore plus que celle de SVB : on connaissait très bien l’équipe, c’était la seule banque qui nous répondait en 5 minutes” ajoute Laurence Ruiz, qui estime qu’une cinquantaine de clients du cabinet avaient des comptes dans l’une ou l’autre de ces deux banques.

Son associé, Yoann Brugière renchérit : “en plus, ces banques-là étaient beaucoup plus ouvertes que les autres à travailler avec des clients étrangers”. Une spécificité bienvenue, alors que les grandes banques nationales, comme Chase ou Bank Of America, se montrent très frileuses pour accueillir des clients non-américains. "Il y a cinq ans, plus personne ne pouvait travailler avec Chase, ils fermaient les comptes de nos clients, car c’était trop complexe pour eux à gérer. Et lors du covid, Chase et Bank of America ont considéré que les entreprises étrangères implantées aux Etats-Unis n’avaient pas droit aux aides du gouvernement", explique Laurence Ruiz.

De quoi inciter encore davantage les entrepreneurs à se tourner vers des banques régionales, plus agiles et innovantes, comme SVB ou Signature. "En France, quand on dit “banque régionale”, ça peut paraître petit. Mais aux Etats-Unis, c’est une toute autre échelle : SVB était dans le Top 20 national, par exemple", précise Yoann Brugière.

La crainte d’un retour en arrière

Aujourd’hui, grâce à l’action des pouvoirs publics américains qui ont garanti les dépôts bien au-delà de la limite réglementaire de 250 000$, tout est revenu à la normale. “Aucun client n'a perdu un seul centime”, souligne ainsi Laurence Ruiz, qui explique que ses clients ont très rapidement retrouvé l’accès à leurs comptes et ont pu émettre à nouveau des virements à temps pour payer leurs factures et les salaires de leurs collaborateurs.

Mais à long terme, la fin de ces banques pro-entrepreneurs, et surtout le risque d’un resserrement réglementaire prévisible, vont complexifier la tâche des startups européennes qui voudront s’implanter aux Etats-Unis. "C’était des banques extrêmement modernes, avec des outils innovants, des connexions via API, des liens avec des fintechs… Là, on va faire marche arrière et devoir aller vers des banques qui restent très classiques, sans ces outils modernes,” regrette Yoann Brugière.

En France, les néo-banques se montrent rassurantes

Et en France ? Par leur caractère innovant et leur approche "pro-entrepreneurs" deux banques pourraient être comparées à SVB et Signature Bank : Qonto et MemoBank. Mais la comparaison s’arrête là. Toutes deux ont d’ailleurs rapidement tenu à rassurer leurs clients sur leur solidité.

MemoBank indique notamment que ses ratios de liquidités sont très largement supérieurs aux minimums réglementaires, tandis que ses dépôts placés à la Banque de France représentent 62 % de l'ensemble de son bilan, alors que SVB n’en avait placé que 3,7% auprès de la banque centrale américaine avant sa faillite, soit 16 fois moins.

Qonto, pour sa part, met en avant le cantonnement d’une partie des fonds de ses clients auprès de Crédit Mutuel Arkéa et Natixis, ainsi que des garanties financières par Crédit Agricole CIB pour une autre partie des fonds. “En cas de faillite de Qonto, 100% de vos fonds vous seraient restitués par nos banques partenaires sous la supervision de l’ACPR” est-il précisé. Et dans le cas (“peu probable”) d’une faillite de Crédit Mutuel Arkéa ou de Natixis, “les fonds sont garantis par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution à hauteur de 100 000€ par client et par établissement”. Soit jusqu’à 200 000€ par client si les deux partenaires venaient à faire défaut simultanément.

Pas de solution miracle

Il n’y a de toute façon pas de solutions miracle : il faut multiplier les possibilités et continuer à travailler avec les banques innovantes, mais en ouvrant deux comptes bancaires au minimum, pour avoir un maximum de couverture,” explique Laurence Ruiz.

Ce conseil prévaut des deux côtés de l’Atlantique : "depuis le début, nous conseillons à nos clients de s’appuyer sur plusieurs partenaires bancaires à la fois, et de ne jamais mettre tous leurs œufs dans le même panier. Si l’ensemble de vos dépôts sont concentrés au sein d’un seul établissement bancaire, nous vous conseillons donc de les répartir entre différentes banques" recommande ainsi Jean-Daniel Guyot, le fondateur de MemoBank.