Cet article est republié à partir de The Conversation

La crise financière de 2008 a eu un impact majeur sur le comportement des bourses dans le monde. Les places financières – accusées d’être responsables du krach – ont souffert d’une crise d’éthique et de confiance des investisseurs, ce qui les a obligées à tenter d’améliorer leur image et leur conduite des affaires.

Au cours de la même période, on a assisté à une prise de conscience croissante de l’importance de la durabilité et du rôle des entreprises dans la protection de l’environnement, avec en point d’orgue les appels à l’action lancés à l’occasion des négociations des Nations unies sur le climat, connues sous le nom de COP26 dont le sommet s’est ouvert ce 31 octobre à Glasgow (Royaume-Uni).

Pour répondre aux défis auxquels est aujourd’hui confronté le secteur financier, un certain nombre de bourses ont adopté de nouvelles pratiques et de nouveaux produits pour rendre les marchés financiers plus respectueux de l’environnement. Dans une analyse récente, nous avons examiné comment les bourses se sont adaptées au nouveau contexte et les politiques qu’elles ont mises en œuvre pour devenir plus écologiques.

Nous avons pour cela exploité diverses sources de données de ces institutions, notamment leurs sites web, leurs rapports sur la durabilité et la responsabilité sociale des entreprises ainsi que leurs rapports annuels. L’échantillon comprend 85 bourses de valeurs dans le monde. Cet article se concentre spécifiquement sur les mesures prises pour protéger l’environnement.

Obligations vertes

Les mesures environnementales prises par les bourses peuvent être divisées en deux catégories. La première concerne les efforts visant à contribuer directement à la protection de l’environnement par le biais de politiques internes.

Ces mesures seront familières pour beaucoup, notamment le recyclage, la réduction de l’utilisation de ressources importantes comme l’eau et l’électricité, la promotion de la documentation électronique plutôt que sur papier, les mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, la réduction des déchets plastiques et alimentaires, ainsi que le reboisement. Ces efforts s’accompagnent généralement de programmes éducatifs destinés aux employés pour les sensibiliser à l’environnement.

De plus, certaines bourses se sont lancées dans des projets de construction écologique : la bourse canadienne a ainsi fait en sorte que 78 % de la superficie totale de ses bureaux soit certifiée LEED Platinium, l’un des systèmes d’évaluation des bâtiments écologiques les plus utilisés dans le monde.

La deuxième catégorie comprend des outils financiers tels que les obligations vertes qui financent des projets environnementaux et facilitent la transition écologique.

Parmi notre échantillon de bourses, 42 % ont développé des indices liés à la durabilité et 30 % ont une catégorie d’obligations de durabilité principalement liée à l’environnement. La plupart de ces bourses se trouvent en Amérique du Nord, en Asie-Pacifique et en Europe et représentent les plus grands marchés du monde.

L’une des bourses qui a le plus contribué au marché des titres verts est la bourse de Luxembourg, qui a coté en 2007 la première obligation verte au monde : l’" obligation climatiquement responsable " de la Banque européenne d’investissement. En 2016, la bourse a lancé la Luxembourg Green Exchange, ou LGX, une plate-forme exclusivement dédiée aux titres verts.

Si les bourses des pays développés restent les pionnières de cette transition environnementale, notre analyse montre qu’un nombre croissant de bourses des marchés émergents s’engagent également vers un monde de la finance plus vert, à faibles émissions et résilient au changement climatique.

La bourse de Moscou a par exemple créé deux indices de durabilité en 2019 : le Responsibility and Transparency Index et le Sustainability Vector Index. La même année, la bourse russe a émis des obligations vertes promouvant des projets énergétiques et environnementaux. Toujours en 2019, en Chine, la bourse de Shanghai a lancé ses propres indices de titres verts.

La moitié des bourses de l’échantillon disposaient de directives écrites sur le reporting environnemental, social et de gouvernance d’entreprise, ou ESG. Certaines d’entre elles, dont les bourses de Malaisie et de Johannesburg (Afrique du Sud), demandaient aux sociétés cotées de préciser si elles publiaient des rapports prenant en compte les questions ESG. D’autres, comme le Nasdaq aux États-Unis, fournissent à leurs utilisateurs des mesures de performance ESG pour les sociétés cotées.

Quelques places financières encouragent le dialogue entre les émetteurs et les investisseurs sur les questions ESG par le biais d’événements sur les marchés financiers. Par exemple, avant la pandémie, la borsa italiana de Milan a organisé des événements sur le développement durable pour encourager les discussions entre investisseurs et émetteurs sur les questions ESG.

Enfin, le cas de la bourse de Santiago, au Chili, est particulièrement intéressant : elle a créé un indice qui offre aux entreprises cotées en bourse une analyse de la perception qu’ont leurs propres parties prenantes de leurs pratiques ESG. Elle a également publié une enquête sur la perception qu’ont les agents du marché des pratiques de durabilité des principales entreprises chiliennes.

Disparités

L’analyse montre que la plupart des bourses du monde ont pris le train en marche et ont entrepris des efforts pour s’attaquer aux problèmes environnementaux.

Mais les résultats soulignent les grandes disparités entre elles en termes d’initiatives entreprises, ce qui peut s’expliquer en partie par la nature volontaire de l’engagement durable et l’absence d’un cadre réglementaire qui pourrait guider la transition (que certains affirment être nécessaire).

Ces disparités peuvent également s’expliquer par les différences dans leur développement. La plupart des bourses qui ont introduit des outils financiers environnementaux représentent les marchés les plus grands et les plus développés du monde.

Cette étude exploratoire constitue une première étape dans l’analyse de la contribution des bourses à une finance plus durable et ouvre la voie à des recherches plus approfondies. Nous devons encore comprendre si les mesures décrites dans cet article conduisent à des résultats efficaces tant au sein des bourses que dans la société dans son ensemble.

Nous devons également explorer la contribution de ces échanges à la résolution d’autres défis du développement durable, en particulier les questions sociales telles que la promotion de l’égalité des sexes et l’amélioration de la culture financière.The Conversation

Faten Ben Slimane, Maître de conférences en sciences de gestion, Université Gustave Eiffel