Quarante-deux. C’est le nombre de régimes de retraite qui existent en France, selon que l’on soit agriculteur·rice, infirmier·e, gérant·e de société, salarié·e du privé, cheminot, fonctionnaire, etc. Le gouvernement entend réformer le fonctionnement actuel afin d’obtenir un “système universel de retraite”. Pas mal de changements se profilent donc à l’horizon, même si pour le moment seul un rapport a été déposé en juillet dernier par Jean-Paul Delevoye et qu’aucun projet de loi n’a été dévoilé.

Qu’est-ce que cela présage pour les entrepreneur·e·s ? S’il est difficile à quantifier en euros et avec précision tant que les critères ne sont pas établis par la loi, la réforme prévoit un changement assez radical dans la manière de cotiser pour leurs retraites et de comptabiliser leurs trimestres travaillés pour les micro-entrepreneur·e·s. 

Le statut particulier des travailleurs non salariés (TNS)

Un.e entrepreneur.e est généralement considéré.e comme un.e indépendant.e, sous le statut de “Travailleur non salarié” (TNS) (à l’exception des gérant·e·s minoritaires ou égalitaires de SARL et président·e·s ou dirigeant·e·s de SA ou SAS, qui peuvent être assimilé·e·s à des salarié·e·s). 

Les entrepreneur·e·s individuel.le.s en EIRL (avec ou sans le statut auto-entrepreneur), EURL, gérant·e·s majoritaires de SARL, associé·e·s de SNC ou dirigeant·e·s de société coopérative de production (Scop) doivent donc cotiser auprès de la Sécurité sociale des indépendants (SSI, anciennement RSI) ou de la Cipav s’ils ont une profession libérale. 

Le calcul de base est le même que pour les salarié·e·s du régime général : revenu annuel moyen des 25 meilleures années × taux (plein ou non) × (nombre de trimestres d’assurance validés / durée de référence). (A noter que le calcul était différent avant 1973, ce qui peut encore avoir une incidence sur certaines retraites.)

Un taux commun de 28,12%

Indépendants et salariés devraient désormais cotiser à un même taux de 28,12% (selon un barème dégressif). “Le barème de cotisations sera identique pour tous les travailleurs indépendants, qu’il s’agisse d’artisans, de commerçants, d’exploitants agricoles ou de professions libérales”, prévoit le rapport Delevoye. S’il est aujourd’hui de 17,75% pour les artisans, commerçants et industriels (+0,60% de l’ensemble du revenu d’activité), il varie pour les professions libérales et les agriculteurs. 

Il est aussi envisagé de faire passer l’assiette minimale de cotisations des artisans et commerçants, fixée à 450 SMIC horaire et qui ne permet de valider que trois trimestres par an, à 600 SMIC horaire. Tout cela afin que tout le monde puisse valider une carrière complète afin d’accéder en totalité au minimum retraite. 

Un calcul sur la carrière entière 

L’objectif de la réforme est d’unifier tous les régimes de retraite vers une certaine universalité. Tout le monde verra donc sa pension calculée non plus sur les 25 meilleures années de travail (ou les six derniers mois pour certains régimes spéciaux) mais sur l’intégralité de son parcours, via un système de points.

“Chaque euro cotisé conduira à l’acquisition du même nombre de points pour tous les assurés, quels que soient l’activité professionnelle, le statut ou la forme de l’exercice”, prévoit le texte remis par Jean-Paul Delevoye. 

Autre particularité pour les auto-entrepreneur·e·s : le calcul des trimestres validés s’effectue différemment de celui des salariés du privés ou des autres TNS. Là où pour ces derniers, il reste assez simple d’estimer les jours travaillés, pour les auto-entrepreneur·e·s, un trimestre ne sera validé que s’ils atteignent un certain chiffre d’affaires (dans la limite de quatre trimestres validables par an, si la personne cumule des activités). 

Si le chiffre d’affaires minimal n’est pas atteint, le trimestre n’est pas pris en compte. Une cotisation minimale obligatoire ne semble pas être en projet mais le texte évoque la possibilité d’acquérir une garantie minimale de points chaque année pour les auto-entrepreneurs. 

De nombreuses inconnues persistent, malgré les précisions du Premier ministre mercredi 11 décembre. Il a toutefois confirmé un âge "pivot" à 64 ans, en-deçà duquel le taux serait sous-coté et sur-coté au-delà, même si l'âge légal de départ à la retraite devrait rester à 62 ans. Des dérogations devraient être mises en place pour les métiers dangereux et/ou pénibles.

Edouard Philippe a aussi validé une pension minimale de 1000 euros pour toute une carrière payée au SMIC, et que la réforme ne s'appliquerait pas pour les travailleurs et travailleuses né·e·s avant 1975. Le projet de loi définitif devrait être formalisé d'ici la fin de l'année pour une présentation en Conseil des ministres le 22 janvier 2020.