Son profil Linkedin ne ment pas. Joan Burkovic est bel et bien un serial entrepreneur. A 37 ans, il compte déjà à son actif deux entreprises qui ont su s’installer dans le paysage de la fintech française : Bankin’ et Bridge. Originaire de Chantilly (Oise), il ressent très tôt l’envie d’entreprendre plutôt que de suivre les traces de ses parents fonctionnaires, professeur de musique pour le premier, psychiatre en milieu hospitalier pour la seconde. Après son Bac S, il profite de sa double nationalité franco-suisse pour intégrer HEC Lausanne : " À 18 ans, le commerce me permettait de ne pas m’enfermer dans une voie. ".

Fort de son master, à 21 ans, il s’octroie une année sabbatique faite de petits boulots et de musique, de batterie en particulier. " Je voulais m’investir mais je savais que la probabilité de construire une vie professionnelle autour de la musique restait limitée. ". Pas encore prêt à se lancer dans une vie professionnelle ou de nouvelles études, il réalise un stage de six mois dans une conciergerie d’entreprise puis part à Dublin avec le souhait d’améliorer son anglais. " Je travaillais pour une entreprise de réparation d’imprimante à distance dans tout le Royaume-Uni. Je reconnais que ce n’était pas simple de comprendre un Ecossais, qui plus est, agacé par une panne " , sourit Joan Burkovic.

Poser les bases de Bankin’

Le calme Joan Burkovic se souvient, posément. " J’ai postulé aux grandes écoles de commerce et j’ai eu la chance d’être accepté à l’ESSEC Paris. ". Il rejoint l’école qui marquera un tournant dans sa vie puisqu’il y rencontrera son futur associé, Robin Dauzon, en cours de chinois. " Nous avions la même appétence pour l’entrepreneuriat ainsi que des compétences complémentaires puisqu’il sortait d’une école d’informatique et que moi j’étais 100 % business. ". Le binôme se teste sur un premier projet destiné à faciliter la gestion des enchères sur Ebay avec un logiciel capable de les générer au dernier moment. En 2010, devant le succès de leur collaboration et de leur complémentarité, ils planchent sur un nouveau projet. " Nous avions un problème commun pour gérer notre argent en tant qu’étudiants. ". Entre l’omniprésence grandissante d’internet et le déploiement constant des smartphones riches d’applications toujours plus pertinentes, ils n’identifient aucune application répondant à leur besoin.

Confirmer le projet

Un questionnaire adressé à 1.000 personnes confirme l’intérêt du projet bien que nombreux soient ceux qui les alertent. Pour ces derniers, le concept est voué à l’échec. Avec son associé, l’entêté Joan Burkovic ne lâche rien. Ils testent la solution avec leur propre compte bancaire, vérifient le niveau de sécurité et constatent un flou juridique sur le sujet. Ils se lancent, encouragés par l’intégration du tout premier accélérateur français, le Camping. Très vite, les acteurs bancaires, qui ne voient pas d’un bon œil leur arrivée sur le marché de la fintech, tentent de freiner le développement de l’application.

Un véritable jeu du chat et de la souris s’engage, les banques allant jusqu’à installer des call centers pour décourager leurs clients d’utiliser Bankin’. Des efforts inutiles puisqu’aujourd’hui plus de cinq millions de personnes utilisent l’application connectée à plus de 250 banques, en toute sécurité et légalité. Serein, convaincu du projet, résilient et pugnace, le dirigeant aura su guider ses équipes à bon port. Pourtant, il aura fallu attendre six ans pour que, contrairement à quelques business angels audacieux, les premiers fonds d’investissement, globalement frileux, ne sautent le pas lors d’une levée de fonds et rejoignent la startup comme Omnes Capital et CommerzVentures.

Du BtoC au BtoB

Joan Burkovic se souvient des débuts. " Peu à peu, les professionnels sollicitaient Bankin’ pour développer une solution B to B avec une solution pour se connecter à des tiers et leur compte bancaire. ". Pour faciliter l’identification et le développement de cette nouvelle activité, rentable, une marque voit le jour en 2017 : Bridge.

" Pour garantir l’évolution de chaque activité, sans avoir à arbitrer entre elles, nous les avons séparées officiellement en juillet 2022. ". Joan Burkovic laisse alors la barre de Bankin’ pour se consacrer à Bridge et lève 20 millions d’euros auprès de BPCE et Truffle Capital. En janvier dernier, il recrute un nouveau CEO et se destine à un rôle plus discret en tant que membre du conseil d’administration et actionnaire. " Ces aventures reposent sur des équipes, les premiers associés, les premiers investisseurs, les collaborateurs qui font le succès de Bankin’ et Bridge. " .

Changer de bord

Joan Burkovic se lance désormais dans une nouvelle aventure et passe de l’autre côté de la barrière en tant que business angel. " Je m’intéresse à la fintech, évidemment, mais il faut surtout que les projets s’appuient sur une équipe talentueuse, soudée et saine et qu’il y ait une vraie traction, qu’ils répondent à un besoin. ". Le jeune investisseur ne s’interdit aucun secteur d’activité même s’il privilégie le numérique.